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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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que de pratiquer la bienveillance envers <strong>le</strong>s gens qui s’échinent<br />

pour <strong>le</strong> compte du daimyō ? Regarde-toi ! Tu te bornes à fermer<br />

<strong>le</strong>s yeux devant <strong>le</strong> fait que tu empêches <strong>le</strong>s cultivateurs<br />

d’effectuer <strong>le</strong> travail d’où ils tirent <strong>le</strong>ur subsistance. Tu n’as<br />

même aucune considération pour tes propres hommes. Tu es<br />

censé être en mission officiel<strong>le</strong>, <strong>et</strong> que fais-tu ? A la moindre<br />

occasion tu te gaves des nourritures <strong>et</strong> des boissons chèrement<br />

gagnées par autrui, <strong>et</strong> exploites ta situation pour obtenir <strong>le</strong><br />

logement <strong>le</strong> plus confortab<strong>le</strong> possib<strong>le</strong>. Je dirais que tu es un<br />

exemp<strong>le</strong> classique de corruption, à te draper dans l’autorité de<br />

ton supérieur pour ne faire que dissiper <strong>le</strong>s énergies du peup<strong>le</strong> à<br />

tes propres fins égoïstes.<br />

Le capitaine était maintenant trop abasourdi pour fermer sa<br />

mâchoire pendante. Takuan pressa <strong>le</strong> mouvement :<br />

— ... Et maintenant, essaie seu<strong>le</strong>ment de me couper la tête<br />

<strong>et</strong> de l’envoyer au seigneur Ikesa Terumasa ! Cela, perm<strong>et</strong>s-moi<br />

de te <strong>le</strong> dire, <strong>le</strong> surprendrait. Il s’écrierait sans doute : « Eh bien,<br />

Takuan ! Est-ce ta seu<strong>le</strong> tête qui vient me voir aujourd’hui ? Où<br />

diab<strong>le</strong> se trouve <strong>le</strong> restant de ta personne ? » Il t’intéressera<br />

sans doute d’apprendre que <strong>le</strong> seigneur Terumasa <strong>et</strong> moi avions<br />

coutume de prendre part ensemb<strong>le</strong> à la cérémonie du thé au<br />

Myōshinji. Nous avons aussi plusieurs fois longuement <strong>et</strong><br />

agréab<strong>le</strong>ment bavardé au Daitokuji de Kyoto.<br />

<strong>La</strong> viru<strong>le</strong>nce de « Barbe hirsute » <strong>le</strong> quitta en un instant.<br />

Son ivresse, el<strong>le</strong> aussi, s’était un peu dissipée, bien qu’il parût<br />

encore incapab<strong>le</strong> de juger par lui-même si Takuan disait ou non<br />

la vérité. Il avait l’air paralysé, ne sachant comment réagir.<br />

— ... Et d’abord, tu ferais mieux de t’asseoir, dit <strong>le</strong> moine. Si<br />

tu crois que je mens, je me ferai un plaisir de t’accompagner au<br />

château pour me présenter devant <strong>le</strong> seigneur en personne. En<br />

cadeau, je pourrais lui porter un peu de la délicieuse farine de<br />

blé noir que l’on fait ici. Il en est particulièrement friand.<br />

Toutefois, il n’y a rien de plus fastidieux, rien qui m’ennuie<br />

davantage que de faire une visite à un daimyō. En outre, si la<br />

question de tes activités à Miyamoto venait par hasard sur <strong>le</strong><br />

tapis tandis que nous bavarderions en prenant <strong>le</strong> thé, il me<br />

serait diffici<strong>le</strong> de mentir. Cela se terminerait sans doute pour toi<br />

par l’obligation de te suicider pour incompétence. Dès <strong>le</strong> début,<br />

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