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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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L’attaque était d’une incroyab<strong>le</strong> sauvagerie. <strong>La</strong> mort de<br />

Genjirō ne diminua pas <strong>le</strong> moins du monde la combativité des<br />

Yoshiokas. Ce qui avait été de l’excitation nerveuse s’é<strong>le</strong>va au<br />

niveau d’une frénésie meurtrière.<br />

— Sa<strong>le</strong> bête ! s’écria Genzaemon, livide de chagrin <strong>et</strong> de<br />

fureur.<br />

Il se précipita tête baissée vers Musashi, maniant un <strong>sabre</strong><br />

un peu trop pesant pour un homme de son âge. Musashi recula<br />

son talon droit d’une trentaine de centimètres, se pencha de<br />

côté <strong>et</strong> frappa vers <strong>le</strong> haut, fauchant avec l’extrémité de son<br />

<strong>sabre</strong> <strong>le</strong> coude <strong>et</strong> la face de Genzaemon. Impossib<strong>le</strong> de dire qui<br />

gémit car, en c<strong>et</strong> instant, un homme qui attaquait Musashi parderrière<br />

avec une lance trébucha en avant <strong>et</strong> tomba par-dessus<br />

<strong>le</strong> vieil homme. L’instant suivant, un troisième homme d’épée,<br />

venu de l’avant, fut tranché de l’épau<strong>le</strong> au nombril. Sa tête<br />

pendait ; ses bras devinrent flasques ; ses jambes portèrent en<br />

avant, durant quelques pas encore, son corps sans vie.<br />

Les autres hommes, près de l’arbre, criaient de tous <strong>le</strong>urs<br />

poumons, mais <strong>le</strong>urs appels à l’aide se perdaient dans <strong>le</strong> vent <strong>et</strong><br />

<strong>le</strong>s arbres. Leurs camarades se trouvaient trop éloignés pour<br />

entendre <strong>et</strong> n’auraient pu voir ce qui se passait, même s’ils<br />

avaient regardé vers <strong>le</strong> pin au lieu de surveil<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s routes.<br />

Le pin parasol se dressait là depuis plusieurs sièc<strong>le</strong>s. Il avait<br />

vu la r<strong>et</strong>raite de Kyoto à Omi des troupes vaincues de Taira lors<br />

des guerres du XII e sièc<strong>le</strong>. A d’innombrab<strong>le</strong>s reprises, il avait vu<br />

<strong>le</strong>s prêtres-guerriers du mont Hiei descendre sur la capita<strong>le</strong><br />

pour faire pression sur la cour impéria<strong>le</strong>. Etait-ce gratitude pour<br />

<strong>le</strong> sang frais qui s’infiltrait jusqu’à ses racines, ou bien angoisse<br />

devant <strong>le</strong> carnage ? Ses branches agitées par <strong>le</strong> vent brumeux<br />

répandaient sur <strong>le</strong>s hommes situés dessous des gouttes de rosée<br />

froide.<br />

Musashi s’adossa contre <strong>le</strong> tronc, dont deux hommes aux<br />

bras tendus auraient eu du mal à faire <strong>le</strong> tour. C<strong>et</strong> arbre lui<br />

constituait pour l’arrière un abri idéal, mais il semblait juger<br />

risqué de rester en c<strong>et</strong> endroit longtemps. Tandis que son œil<br />

suivait <strong>le</strong> fil supérieur de son <strong>sabre</strong> <strong>et</strong> se fixait sur ses<br />

adversaires, son cerveau passait en revue <strong>le</strong> terrain, en quête<br />

d’une position meil<strong>le</strong>ure.<br />

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