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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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tous. Regarde, là-bas. Ne vois-tu pas l’écriteau disant qu’il est<br />

interdit d’abîmer <strong>le</strong>s arbres, de b<strong>le</strong>sser ou tuer <strong>le</strong>s animaux ?<br />

Quel<strong>le</strong> honte, pour quelqu’un qui travail<strong>le</strong> ici, que de briser des<br />

branches avec un <strong>sabre</strong> de bois !<br />

— Oh ! je sais tout ça, grommela-t-il avec une expression de<br />

ressentiment.<br />

— Si tu <strong>le</strong> sais, pourquoi <strong>le</strong> fais-tu ? Si maître Arakida te<br />

surprenait, tu aurais des ennuis !<br />

— Je ne vois rien de mal à casser des branches mortes. C’est<br />

permis si el<strong>le</strong>s sont mortes, non ?<br />

— Non, ce n’est pas permis ! Pas ici.<br />

— C’est vous qui <strong>le</strong> dites ! <strong>La</strong>issez-moi vous poser une<br />

simp<strong>le</strong> question.<br />

— <strong>La</strong>quel<strong>le</strong> ?<br />

— Si ce jardin a tant d’importance, pourquoi n’est-il pas<br />

mieux tenu ?<br />

— C’est honteux qu’il ne soit pas mieux tenu. Le laisser ainsi<br />

à l’abandon, c’est comme de laisser des mauvaises herbes<br />

pousser dans son âme.<br />

— Ce ne serait pas grave s’il n’y avait que <strong>le</strong>s mauvaises<br />

herbes, mais regardez <strong>le</strong>s arbres. On a laissé mourir ceux qu’a<br />

fendus la foudre, <strong>et</strong> ceux qu’ont déracinés <strong>le</strong>s typhons sont<br />

couchés à l’endroit même où ils sont tombés. Il y en a partout.<br />

Et <strong>le</strong>s oiseaux ont emporté <strong>le</strong> chaume des toits au point qu’ils<br />

prennent l’eau. Et personne jamais ne répare <strong>le</strong>s lanternes de<br />

<strong>pierre</strong>... Comment pouvez-vous croire à l’importance de c<strong>et</strong><br />

endroit ? Voyons, Otsū, <strong>le</strong> château d’Osaka n’est-il pas d’une<br />

blancheur éblouissante, vu de l’océan à S<strong>et</strong>tsu ? Est-ce que<br />

Tokugawa Ieyasu ne bâtit pas des châteaux plus magnifiques à<br />

Fushimi <strong>et</strong> dans une douzaine d’autres endroits ? Est-ce que <strong>le</strong>s<br />

nouvel<strong>le</strong>s maisons des daimyōs <strong>et</strong> des riches marchands de<br />

Kyoto <strong>et</strong> d’Osaka ne bril<strong>le</strong>nt pas d’ornements d’or ? Est-ce que<br />

<strong>le</strong>s maîtres du thé Rikyū <strong>et</strong> Kobori Enshū ne disent pas qu’un<br />

simp<strong>le</strong> grain de poussière au jardin de la maison de thé gâche<br />

l’arôme du thé ?... Mais ce jardin-ci tombe en ruine. Quoi ! <strong>le</strong>s<br />

seu<strong>le</strong>s personnes à y travail<strong>le</strong>r, c’est moi <strong>et</strong> trois ou quatre<br />

vieillards ! Et regardez comme il est grand !<br />

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