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155 CANON DES ECRITURES 156
Peres qui 1'avaient precede. Rufin lui avail oppose, Apol.,
li, 33-34, t. xxi , col. 661-662, que Pierre, pendant les
vingt-quatre ans qu'il avait gouverne 1'Eglise romaine,
avait fait connaitre aux fideles les livres qui contenaient
la parole de Dieu, et n'avait pas pu leur mettre dans les
mains les deuterocanoniques comme canoniques s'ils ne
renfermaient pas la verite. « Comment done pourrait-il
se faire, continuait-il, qu'apres quatre cents ans, 1'Eglise
reconnut que les Apotres ne lui avaient pas mis entre les
mains le veritable Ancien Testament, et qu'elle deputat
ses enfants vers ceux qu'on appelait [les hommes de] la
circoncision pour les supplier et les conjurer de leur communiquer
au moins quelque chose de la verite qu'ils possedaient?
» L'argumentation de Rufin reposait sur un fait
si certain, elle etait tellement irrefutable, que dans sa
reponse saint Jerome protesta qu'il n'avait fait qu'exprimer
1'opinion des Juifs, non la sienne : « Non quid ipse
sentirem, sed quid illi [Jiutei] contra nos dicere soleant,
explicavi. » Apolog. cont. Rufin., n, 33, t. xxm, col. 455.
Nous trouvons done dans TEglise tout entiere, malgre
quelques paroles un peu discordantes produites par les
rapports des Chretiens avec les Juifs, la croyance au caractere
divin de tous les livres protocanoniques et deuterocanoniques
de TAneien Testament. Cette croyance est
aussi attestee par les monuments figures.
4° Temoignage des monuments figures. — Le caractere
sacre et divin que 1'Eglise attachait
aux deuterocanoniques comme aux
protocanoniques est confirme par les
monuments figures des premiers siecles
qui sont parvenus jusqu'a nous :
fresques des catacombes, sarcophages,
fonds de coupes, lampes, pierres gravees,
vases et objets divers. Tous les
sujets empruntes aux recits deutero-
58. — Tobie le jeune canoniques qui ont pu se preter au
avec le poisson. symbolisme de 1'art chretien ont ete
D apres Garucci, Vein . ... •, • . . i ,
ornati ai figure in traifes P ar les P emt f s et les scul Poro,
pi. ill. teurs Chretiens, et ils 1 ont fait sous
la surveillance et avec 1'approbation
des pasteurs de rEglise, qui, connaissant 1'importance de
cet enseignement donne aux fideles par les yeux, ne laissaient
exposer dans les cimetieres et dans les basiliques,
pendant les quatre premiers siecles, rien qui fut emprunte
aux ecrits apocryphes. G'est ainsi que les differentes
scenes de 1'histoire de Tobie sont souvent figurees
dans les catacombes et sur les monuments antiques.
Tobie le jeune apparait souvent avec le poisson qu'il tire
des eaux du Tigre, parce que les Peres virent dans ce
poisson le symbole du Christ. (S. Optat de Mileve, De
schism. Donat., in, 2, t. xi, col. 991.) Un fond de
coupe nous montre le jeune voyageur (fig. 58) la main
dans la gueule du poisson. Les representations de ce genre
abondent. Voir Martigny, Dictionnaire des antiquites
chretiennes,, 2 e edit. 1877, p. 760; Heuser, dans Kraus,
Real-Encyklopadie, t. n, 1886, p. 871. Tobie le pere se
rencontre plus rarement, mais saint Paulin de Nole,
Poem., xxvm, 23, t. LXI, col. 663, nous apprend qu'il
avait ete peint au commencement du v e siecle, dans le
porche de la vieille basilique de saint Felix, a Nole, de.
meme que Job, Judith et Esther :
At geminas [cellas] quae sunt dextra laevaque patentes
Biois historiis ornat pictura fldelis :
Unam sanctorum complent sacra gesta virorum :
Jobus vulneribus tentatus, lumine Tobit;
Ast aliam sexus minor obtinet: inclyta Judith,
Qua simul et regina potens depingitur Esther.
Toutes les parties deuterocanoniques de Daniel ont fourni
des sujets aux premiers artistes Chretiens. Les trois enfants
dans la fournaise de Babylone, Ananias, Misae'l et Azarias,
sont frequemment representes, et ils le sont plusieurs
fois avec des details empruntes a la partie grecque
du chapitre in de Daniel, details qui ne se lisent que
dans la partie chaldaique, tels que la presence de 1'ange,
qui descend au milieu des flammes pour en eteindre 1'ardeur
au tour des jeunes Hebreux. Dan., m, 45-50. C'est
ainsi qu'on le voit (fig. 59) sur une lampe trouvee en
Afrique, actuellement au musee de Constantine. II se tient
derriere les trois jeunes gens, les mains levees en signe
d'encouragement et pour commander aux flammes. Le
59. — L'ange et les trois jeunes gens dans la fournaise.
Lampe du musee de Constantine, d'apres Heron de Villefosse.
Afus. Arch., 112.
personnage de droite porte dans les mains un objet qui
ressemble a un instrument de musique, pour indiquer le
cantique que les courageux confesseurs de la foi chantent
au milieu de la fournaise. Dan., in, 52-90.
L'histoire de Susanne, pauvre brebis que voulaient
devorer des betes feroces, comme nous,la montre une
fresque des catacombes ou elle est representee sous cette
forme entre un loup et un leopard (Perret, Catacombes
de Rome, t. i, pi. 78), avait sa place marquee dans les
monuments de ces premiere Chretiens persecutes dont
elle etait 1'embleme; aussi 1'y rencontre-t-on assez souvent.
(Heuser, dans Kraus, Real-Encyklopadie, t. n, p. 800.)
Une celebre cassette d'ivoire de Brescia (lijjsanoteca bresciana),
publiee par Odorici, Antichita cristiane di Brescia,
in-f°, Brescia, 1845, pi. 5, n° 11, .et p. 67, et qui, d'apres
Kraus, Real-Encyklopadie, t. I, p. 407, est du iv e siecle,
represente, entre autres sujets (fig. 60), plusieurs scenes
de 1'histoire de Susanne. On voit, a gauche, les deux vieillards
caches chacun derriere un arbre du jardin, puis la
scene du jugement. A rextremite, a droite, est figure un
autre episode qiii est aussi tres souvent represente dans
1'art primitif, et qui peut se rapporter aux fragments deuterocanoniques
de Daniel : c'est ce propbete dans la fosse
aux lions. Seulement, comme il y a ete jete deux fois, Dan.,