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Mais on peut tout au contraire considérer que cette création de nouvelle rubrique en ce qui<br />

concerne l’ouvrage édité par Vollard fait sens quant à l’impossibilité dans laquelle se tient<br />

apparemment le secrétaire de rédaction Fénéon de délimiter précisément un espace aux frontières<br />

visibles sinon immuables au sein duquel Jarry puisse œuvrer avec constance, un espace qu’il<br />

puisse en somme s’accaparer au point de se confondre avec lui aux yeux de ses lecteurs mais aussi<br />

de ses confrères, ce qui lui vaudrait d’acquérir quant à son métalangage lui donnant de fait le<br />

statut de savant (car il manie l’érudition avec sagacité et constance) une légitimité au sein de la<br />

revue autant qu’auprès des lecteurs : à cette époque, les discours critiques se spécialisant de plus<br />

en plus, la caractéristique de savant, si elle est rattachée d’emblée à tout critique – hormis lorsque<br />

celui-ci se revendique être critique impressionniste, mais Jarry n’est pas, et ne se veut pas tel<br />

lorsqu’il donne cours par son geste critique à une efflorescence très fournie du principe<br />

d’érudition qui est censée, telle qu’il la met en œuvre, apparaître comme la structure même du<br />

compte rendu, dissimulée, nourrissant l’ensemble de ce qui le constitue, de façon sous-jacente<br />

mais néanmoins métastasique, et faisant ainsi apparaître la critique comme justement le fait du<br />

savant : aussi Jarry joue-t-il bien au savant –, est également recherchée à hauteur de la façon dont<br />

les lecteurs se penchent sur le travail de celui-ci, demeurant en soif d’éclairages précis, érudits.<br />

Cette façon qu’a Jarry de nourrir les rubriques les plus variées, si elle fait relativement figure<br />

d’exception à cette époque, et ce d’autant plus eu égard au Mercure de France au sein duquel,<br />

comme le remarque Philippe Kerbellec, « [l]es rubriques se [sont] multipli[ées] et les principaux<br />

rédacteurs [sont devenus] titulaires de leur chronique 1 », se situe néanmoins en réalité en plein<br />

dans le goût de Fénéon, et cette caractéristique doit ainsi être replacée dans la dynamique propre<br />

à La Revue blanche.<br />

En effet, si « les numéros sont classiquement dichotomiques », « les contributions originales<br />

en tête, les comptes-rendus en fin », la séparation « n’[étant] pas toujours nette et la seconde<br />

section n’occup[ant] qu’un volume restreint, souvent moins de 20 pour cent », « les chroniques<br />

qui […] constituent [cette seconde section] changent fréquemment de titre et de main [:] il n’y a<br />

pas de véritable appropriation par les titulaires. La rédaction aime les séries de courte durée : huit<br />

mois pour Debussy, onze pour Blum et Tristan Bernard qui traitent des sports, treize pour Péguy,<br />

quatorze pour Gide, Fénéon n’a de cesse de déranger la paresse du lecteur par des interventions<br />

inattendues dans une chronique qui ronronne. 2 »<br />

Que Fénéon cherche, en prônant constamment, ne serait-ce qu’implicitement, le<br />

changement, le renouvellement, à se situer loin de toute institutionnalisation d’un discours<br />

1 Mercure de France, anthologie 1890-1940, édition établie par Philippe G. Kerbellec et Alban Cerisier,<br />

Mercure de France, 1997, p. XII. Voir aussi BOURRELIER, p. 246.<br />

2 Id., p. 231.<br />

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