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Cette pastille, à l’inverse de la pilule du conte d’Herold, qui toujours éveille le ravissement<br />

(voir ci-après), suscite une amère déception chez la principale intéressée : « [Léda] pousse un cri […]<br />

Quoi ! C’est tout ! […] Une simple bonbonnière. […] Des pastilles ! 1 »<br />

Contrairement à la pastille chez Jarry qui remplace la sexualité, ou offre un raccourci de celle-<br />

ci (« Hein ? J’aurai un fils ! deux fils ! pour avoir croqué une pastille ! Une seule pastille ! 2 »), l’une<br />

des deux pilules du conte d’Herold la permet, puisque son pouvoir magique est, une fois tenue en<br />

bouche par Vâmanasvâmin, de le révéler femme selon les apparences, lui permettant ainsi une<br />

intimité avec des femmes autrement incessibles, et une fois la pilule ôtée de la bouche, permettant<br />

à cette intimité de se muer en sexualité, l’homme retrouvant alors son apparence originelle.<br />

En outre, les nombreux changements de situation qu’instaure ce conte qui allient scabreux et<br />

cocasse pourraient indépendamment de l’écho qu’ils ont pu avoir chez Jarry en ce qui concerne<br />

l’écriture de Léda, une fois débarrassés du superflu jusqu’à l’ossature, parvenir effectivement sans<br />

mal jusqu’à l’efficace d’une opérette.<br />

Afin de montrer comment Jarry parvient à résumer véritablement en une formulation le<br />

conte dans son ensemble autour des aspects que nous venons d’évoquer, il nous faut le citer<br />

quasiment dans sa totalité : « À Ville-des-fleurs régnait le roi Bon-esprit. Sa fille, Splendeur-de-<br />

lune, était fort belle. Un jour, […] [u]n jeune brahmane, nommé Vâmanasvâmin, vint à passer.<br />

Vâmanasvâmin vit Splendeur-de-lune, et Splendeur-de-lune vit Vâmanasvâmin. Tous deux<br />

échangèrent des œillades obliques, et, quand ses compagnes appelèrent la princesse, lui disant<br />

qu’il était l’heure de rentrer au palais, elle fut toute triste. Pour le brahmane, il suivit des yeux, tant<br />

qu’il put, celle qu’il aimait déjà ; et, dès qu’elle eut disparu, il s’évanouit. Or, en ce même bois,<br />

survint l’illustre fourbe, Mûladeva ; son ami Caçin l’accompagnait. Mûladeva vit le brahmane<br />

évanoui, et il s’écria : « Caçin, mon ami, voilà un jeune homme de bonne famille, qui m’a tout l’air<br />

d’être malade d’amour. » Il ranima Vâmanasvâmin, et il l’interrogea : « Dis-moi, brahmane, qui t’a<br />

mis en ce piteux état ? – Pourquoi me questionnes-tu ? répondit Vâmanasvâmin. Tu ne peux rien<br />

pour me guérir. […] [J]’ai vu ici même, il y a un instant, une jeune fille, la plus belle du monde, et<br />

j’en suis amoureux, éperdûment [sic]. – N’est-ce que cela ? Qui est-elle ? demanda Mûladeva. –<br />

Hélas, reprit Vâmanasvâmin, c’est, je crois, la fille du roi, la princesse Splendeur-de-lune ! –<br />

Allons, allons, dit Mûladeva, il faut te guérir de cette sotte passion. – Non, je l’adore ! Et, si elle<br />

n’est pas ma femme, je monterai sur le bûcher. – Tu es fou ! Que ferais-tu, mon cher, avec ta fille<br />

de roi ! Ne pense plus à elle. Deviens mon compagnon, je t’enseignerai l’art d’acquérir des<br />

richesses ; tu rencontreras des femmes plus belles que Splendeur-de-lune, en grand nombre ; et,<br />

1 OC II, p. 70.<br />

2 Ibid.<br />

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