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propos –, tient bien évidemment au fait qu’ils s’expriment précisément dans des revues littéraires.<br />

Autrement dit il ne faut pas non plus oublier que les contributeurs le plus souvent (car Jarry ne le<br />

fera guère) cherchent à écrire spécialement pour le public de la revue à laquelle ils sont attachés,<br />

qui est composé de curieux de littérature(s) ou d’ouvrages de vulgarisation d’abord, et non de<br />

spécialistes.<br />

Des revues universitaires (d’ailleurs en pleine efflorescence à cette époque) existent pour<br />

répondre aux attentes ciblées d’un public érudit qui chercherait des éclairages pointus et<br />

contextualisés sur des ouvrages ardus.<br />

Ainsi, Remy de Gourmont dans son compte rendu de la quatrième série des Souvenirs<br />

entomologiques, « études sur l’instinct et les mœurs des insectes » de J.-H. Fabre, note : « [c]’est, ici,<br />

une revue trop spécialement de littérature pour qu’il puisse être insisté sur ce livre […] 1 ».<br />

Henri Mazel dans son article intitulé « L’Anarchisme » paru dans les Essais d’art libre en<br />

1892 écrit : « Voilà ce que j’avais à dire. Écrivant dans un journal littéraire, j’ai insisté sur des<br />

points que j’aurais à peine effleurés dans une revue de sociographie. 2 »<br />

Il ne s’agit pas ainsi pour les critiques familiers d’ouvrages de littérature de faire en sorte que<br />

le propos scientifique ou simplement ardu des ouvrages chroniqués soit modalisé suivant une<br />

perspective littéraire, le changement de cadre (tel ouvrage est déclassé pour se retrouver situé<br />

dans un cadre dit littéraire) pouvant indiquer que l’érudition pourrait tout aussi bien se fondre<br />

dans un propos spécifiquement littéraire, – le propos scientifique dans sa singularité, sa précision,<br />

pouvant très bien être laissé de côté et devenir, après tout, le socle d’une rêverie littéraire.<br />

Du reste point ne serait besoin d’aller jusque-là : tout propos scientifique – dans le sens où il<br />

renvoie à des événements réels –, pourrait très bien être perçu comme littéraire : « il ne faut pour<br />

cela rien changer dans sa composition, mais simplement se dire qu’on ne s’intéresse pas à sa<br />

vérité et qu’on la lit « comme » de la littérature. On peut imposer une lecture « littéraire » à<br />

n’importe quel texte : la question de la vérité ne se posera pas parce que le texte est littéraire, et non<br />

inversement. 3 »<br />

Le plus souvent, les critiques cherchent à faire garder au propos scientifique toute sa place,<br />

toute son étrangeté, toute sa singularité, et ainsi, étant donné ce qui vient d’être dit, toute sa<br />

« vérité », voulant adapter leur propos au public des revues littéraires, l’exégèse, si minime soit-<br />

elle, devenant didactique.<br />

1<br />

Le Mercure de France, n° 19-24, tome III, juillet-décembre 1891, p. 306.<br />

2<br />

Essais d’art libre, revue mensuelle, tome I, février-juillet 1892, Genève, Slatkine Reprints, 1971,<br />

p. 206.<br />

3<br />

Tzvetan Todorov, « La notion de littérature », La notion de littérature et autres essais, Éditions du<br />

Seuil, collection Points essais, 1987, p. 13.<br />

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