30.06.2013 Views

thèse

thèse

thèse

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Dans la comparaison « comme l’absinthe », Jarry supprime le mot-outil de comparaison,<br />

action qui dénote toute l’importance qu’il donne à cet alcool qui, perdant son simple statut de<br />

comparant, est ainsi fortement mis en avant.<br />

En outre, le fait que Jarry évoque ici l’absinthe sans raison (Mardrus ne citant jamais cette<br />

liqueur), et dans un contexte sacré, affirmant que cette boisson est « le raki des croyants », n’est<br />

nullement anodin. S’il le fait, c’est dans un souci de réhabiliter l’absinthe, comme il le fera à<br />

plusieurs reprises dans ses textes spéculatifs.<br />

En effet, l’une des préoccupations constantes de Jarry exprimées dans le cours de la<br />

narration et suivant les attributs de l’apparente logique par quoi elle s’exprime est de défendre<br />

l’alcool (que ce soit dans ses textes spéculatifs ou dans ses romans comme Le Surmâle ou La<br />

Dragonne), comme c’est éminemment perceptible au travers de son compte rendu de La Natalité en<br />

France en 1900 de G. M., l’alcool étant alors vivement décrié par les instances garantissant la<br />

perpétuation de l’hygiénisme, morales, médicales, scientifiques et juridiques, mais il ne faut pas<br />

oublier que toutes les formes d’alcool n’étaient pas alors vilipendées, et que certaines étaient<br />

même vantées à doses réduites (comme le vin).<br />

Jarry, de la même façon qu’il affirmera qu’il ne saurait y avoir de danger dans l’excès,<br />

renversant tous les principes édictés par l’hygiénisme, défendra en premier lieu, parmi tous les<br />

alcools, l’absinthe, et ce non uniquement par goût personnel pour cette boisson, mais de par la<br />

volonté qui est la sienne de réhabiliter de facto l’alcool le plus intensément combattu (parce que<br />

c’est celui qui fait le plus de ravages auprès des couches sociales défavorisées – tout<br />

particulièrement les classes ouvrières, mais également les artistes, comme le signifiera Péladan), et<br />

ainsi de proclamer, peut-on penser, la totale ineptie et le mensonge entier de toute science.<br />

Aussi, I. Pavlovsky dans Études et Croquis Parisiens, Hygiène sociale avance, n’évoquant l’absinthe<br />

que de façon sous-jacente : « Le fait est aujourd’hui constaté, l’alcoolisme avec toutes les<br />

conséquences qu’il entraîne ne dépendent pas de la quantité et de la fréquence d’absorption des<br />

boissons spiritueuses employées, mais de la nature même de ces boissons. […] Le vin, la bière et<br />

le cidre […] excitent les sens, obscurcissent la raison, déséquilibrent les mouvements, mais ces<br />

diverses boissons ne produisent pas de troubles sérieux dans l’organisme. L’ivresse qu’elles<br />

procurent est bavarde, gaie, parfois bruyante et même tumultueuse, mais ne rend jamais l’homme<br />

insensé, semblable à une bête et ne le pousse pas au suicide. […] L’alcoolisme, cette maladie<br />

redoutable de notre siècle, n’est pas le résultat de l’abus du vin naturel […] mais provient de l’eau-<br />

de-vie de commerce consommée, même en petite quantité, laquelle contient des substances<br />

toxiques. 1 »<br />

1 I. Pavlovsky, Études et Croquis Parisiens, Hygiène sociale, Albert Langen éditeur, 1895, p. 5-6.<br />

872

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!