30.06.2013 Views

thèse

thèse

thèse

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Gourmont se confondant alors pour Jarry avec l’institution éditoriale du Mercure de France, cette<br />

dédicace peut se lire ainsi comme un pléonasme : « Appartient au Mercure de France ». Dans une<br />

lettre du 6 mars 1894, Jarry confie à mi-mots à Vallette qu’il écrit bien à destination du Mercure de<br />

France : « […] je serais un peu découragé si vous n’acceptiez ni l’un ni l’autre manuscrit, parce que<br />

– pour la pièce du moins – c’est pensant que c’était ce que j’avais fait de mieux ces temps-ci que<br />

j’avais désiré ne point la voir publier ailleurs qu’au « Mercure ». 1 »<br />

Il n’est en outre pas anodin que ce soit le drame « Haldernablou » matérialisant la rupture<br />

entre Fargue et Jarry qui soit dédicacé de cette manière. Il s’agit de se détacher du double qu’était<br />

Fargue, dualité qui se trouvait matérialisée (surtout) par la participation à L’Art littéraire, pour<br />

choisir comme double Remy de Gourmont, Jarry manifestant par cette dédicace expressément<br />

grandiloquente que son passage de L’Art littéraire au Mercure de France n’est pas seulement<br />

inéluctable mais sera définitif et exclusif de tout autre.<br />

Jarry est parvenu à réaliser son rêve de jeune poète en étant publié au Mercure de France, ainsi<br />

qu’il l’écrit dans une lettre à Vallette. Il voit là, de par cette accession (vécue, bien évidemment,<br />

comme une ascension), réalisées ses ambitions de poète alors qu’il décide de faire carrière au sein<br />

du monde des lettres.<br />

Cette appartenance au Mercure de France, au travers de la grande proximité (affichée) avec la<br />

figure de Remy de Gourmont, sera en quelque sorte redoublée (et ainsi son sens sera réitéré, et ce<br />

d’évidente et publique façon) par la création, comme nous le verrons, de L’Ymagier, par (cette<br />

fois) les seuls Gourmont et Jarry.<br />

2. 2. 6. Rupture de Jarry avec Gourmont et ses funestes conséquences.<br />

Étant donné l’attachement de Jarry, viscéral, au Mercure de France 2 , Gourmont a revêtu, aux<br />

commencements de la carrière littéraire de Jarry, incontestablement la figure du père pour l’auteur<br />

des Minutes. Si Jarry se brouillera définitivement avec Gourmont, ce sera très probablement pour<br />

accomplir la « [r]upture, [le] reniement du père » afin d’ « accompli[r] et rép[éter], à tout moment,<br />

le paradoxe d’une liberté créée 3 », face à une présence devenue peut-être trop envahissante pour<br />

que puisse se déployer son moi littéraire dans tous ses frémissements.<br />

Déjà, dans la lettre qu’il envoie à Vallette le 27 mai 1894, Jarry avoue, au sujet d’<br />

« Haldernablou », avoir changé de titre « après mûre réflexion l’autre jour avec M. de<br />

1 ème<br />

L’Etoile-Absinthe, 4 tournée, Rennes, Société des amis d’Alfred Jarry, décembre 1979, p. 43.<br />

2<br />

Voir OC I, p. 1036.<br />

3<br />

Emmanuel Lévinas, Totalité et infini, Essai sur l’extériorité, Librairie générale française, collection Le<br />

Livre de poche, Biblio essais, 1990, p. 310.<br />

125

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!