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spécifique des sciences, c’est que ces questions sont ainsi toutes solubles et de ce fait disparaissent<br />

pour faire place à d’autres, destinées à être résolues les unes après les autres avec un succès dont<br />

rien ne permet de douter de la continuation. À quoi sert-il en effet de poser une question si ce<br />

n’est pour la résoudre – pour qu’elle trouve réponse ? Il n’y a de questions que si l’on peut leur<br />

donner des réponses décidables, puisqu’on ne pose les unes que pour avoir les autres. Le sens<br />

d’une question, ce qui la caractérise en tant que question, c’est précisément qu’on puisse la<br />

résoudre en coordonnant progressivement les faits observés dans une théorie plutôt qu’en<br />

spéculant sur leur raison d’être dans le mirage d’une connaissance absolue. La science positive<br />

apparaît alors comme le résolutoire absolu dans la mesure où, par elle, on peut trancher dans les<br />

questions spéculatives en abolissant celles qui sont déclarées insolubles parce qu’inaccessibles à<br />

une investigation qui puisse décider de leur réponse.<br />

À l’inverse, Jarry et Gourmont font de la science une somme féconde de questions insolubles,<br />

qui s’ajoutent toutes possiblement les unes aux autres, entrant en contradiction les unes avec les<br />

autres, lequel ensemble extrêmement mouvant permet que pointe fortement une forme<br />

d’illogisme qui puisse ouvrir très fortement, comme nous le verrons, sur l’imaginaire.<br />

« [I]l m’intrigue toujours 1 », constatait Gourmont au sujet d’un dessin scientifique, comme<br />

nous l’avons signalé. Les ouvrages scientifiques sont recherchés par les littérateurs comme<br />

Gourmont justement à hauteur de leur imperméabilité (en somme de la façon dont ils résistent<br />

tout à la fois au champ de la conscience – de par l’altérité de leur signe – et à celui de l’intellection<br />

– de par leur complexité souvent extrême –) : ils doivent intriguer.<br />

L’image, comme c’est le cas avec ce dessin évoqué par Gourmont, n’est plus liée « à l’emploi<br />

nécessaire de l’instrumentation (pro<strong>thèse</strong>s pour l’insuffisance des sens qui étendent la portée des<br />

organes […]) 2 ». Elle fait sens dans la mesure où elle est un appel de glose, mais un appel presque<br />

souhaité comme devant demeurer irrésolu, suspendu, et par conséquent infini (puisque<br />

l’explication du scientifique, si elle est apparemment souhaitée par Gourmont, serait néanmoins la<br />

mise à mort de son interrogation mouvante) : l’image sert de support à une rêverie créatrice, se<br />

trouvant destituée de toute finalité.<br />

L’on peut aller jusqu’à considérer que l’ouvrage doit être le plus abstrus possible, afin que sa<br />

lecture devienne en outre un combat, le lieu d’une épreuve avec soi-même, c’est-à-dire afin qu’elle<br />

devienne pour le littérateur le terrain d’expérimentation d’un arrachement à soi-même, à ses<br />

habitudes de lecture, à sa culture personnelle.<br />

1 Le Mercure de France, n° 13-18, tome II, janvier-juin 1891, p. 310.<br />

2 Paul Caro, op. cit., p. 14.<br />

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