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crée, dans chaque Cahier, dans chaque spéculation, « son objet et se confond avec lui 1 » (Etudes<br />

philosophiques).<br />

Le seul impératif de la méthode est qu’elle apporte quelque clarté. C’est même son but :<br />

véritable « puissance de conservation à travers les transformations successives » dictées par la<br />

« promptitude des dégagements et des substitutions libres de [l’]esprit 2 » (Mélange), elle doit<br />

conduire (« fatalement » écrit Valéry) l’inconnu au connu, « parce qu’ils n’ont point d’autre<br />

issue. 3 » (C’est là sa limite, jamais atteinte du reste, car en voulant être clair, on ne fait que déplacer<br />

l’obscurité.)<br />

Conduire l’inconnu au connu, but apparent de toute méthode, cela signifie, à terme, résoudre<br />

les questions métaphysiques qui harcèlent la conscience humaine, fût-ce de manière arbitraire<br />

(l’arbitraire n’étant, pour Jarry, qu’un raisonnement qui n’a besoin d’aucune légitimation pour se<br />

constituer, qui évolue en vase clos, sans regard sur ce qui n’est pas l’être-monde de sa méthode).<br />

Cette volonté n’est pas un désir de philosophie positive de retirer aux concepts toute<br />

l’obscurité qu’ils ont engrangée, en donnant l’ultime explication qui validera ou invalidera leur<br />

existence. Il s’agit de prendre la philosophie positive aux pièges de ses propres armes. Expliciter<br />

l’incompris, soit. Mais à l’aide de l’incompris (du trop compris ou du mal compris : il en était<br />

ainsi, pour les lecteurs contemporains de Jarry, on peut le penser, des théories mathématiques de<br />

l’infini, auxquelles Jarry donne corps dans Le Surmâle notamment).<br />

En outre, on s’aperçoit rapidement à la lecture des œuvres de Jarry (Faustroll, notamment,<br />

mais aussi La Dragonne) que l’utilisation que fait Jarry des indications scientifiques, loin de<br />

conduire le lecteur à une communion rassurante avec le texte (en destituant celui-ci à chaque fois<br />

d’une part d’énigme), agrandit au contraire son trouble initial face à l’incompris en surajoutant à<br />

cette première zone d’indéfinissable constituée par la proposition poétique une autre zone,<br />

effrayante car réelle au plus haut point (harassante de clarté) – sans qu’il soit possible de définir à<br />

quelle hauteur.<br />

Ainsi Jarry confère-t-il dans Faustroll au rayon de la lumière, ligne hypothétique suivant<br />

laquelle la lumière se propage, une longueur : de ligne hypothétique elle devient donc réelle :<br />

« Faustroll prit des hauteurs d’astres, qu’il scrutait aisément [...] et me dit de noter que le rayon<br />

terrestre, par la dénivellation du reflux, était déjà raccourci de centimètres 1,4 x 10 -6 … 4 ».<br />

En dotant quelque chose d’extrêmement indéfini (un rayon lumineux) des mêmes<br />

caractéristiques que quelque chose de figé (il est mesurable), Jarry cherche à situer très<br />

1 Paul Valéry, op. cit., p. 822.<br />

2 Id., p. 384.<br />

3 Paul Valéry, Cahiers 5, p. 59.<br />

4 Bouquin, p. 512.<br />

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