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Mais quand Jarry s’attache précisément à faire jaillir leur présence 1 , à l’invoquer suivant le<br />

pouvoir démiurgique de l’écriture poétique qui a capacité, du fait de l’éclosion infinie de sens<br />

qu’elle suscite possiblement, de performativité (eu égard à leur identité véritable), il le fait afin de<br />

décrire leur beauté, c’est-à-dire ce qui, pour le sens commun, est le plus inaperçu en eux, une<br />

beauté dénuée de caractère éphémère (les animaux sont tous reliés, d’une façon ou d’une autre, à<br />

la thématique large de la statuaire : l’ « hibou » est « ocellé », ses mamelles sont « d’or », les « pattes<br />

noires » de la mygale sont de « luisant métal »…), Jarry parvenant, par excès de détail (« Hibou<br />

ocellé […] mamelles d’or à la pointe noire et cariée symétriques horizontalement au-dessus du<br />

tétraèdre de ton sternum ; aux paupières de soie gris perle qui clignent comme le flux et le reflux<br />

de la mer 2 »), de précisions, à ouvrir paradoxalement sur l’abstraction, transformant ainsi les<br />

animaux, d’une certaine manière, en blasons (ce qui sera le souci affiché de César-Antechrist), leur<br />

beauté s’affirmant, en définitive, comme la matérialisation de leur fonction magique.<br />

Ce sont ainsi de véritables animaux totems pour Jarry, peuplant son univers et le protégeant<br />

(« Crapaud, […] Protège-moi. Hibou […] Conseille-moi. Mygale […] Ferme la mort de mes cils au<br />

monde extérieur, pour que je réfléchisse dans la nuit de dessous mon crâne […] 3 »), comme<br />

autant de doubles (c’est en somme une façon qu’il a d’asseoir sa présence, en la démultipliant,<br />

dans le cours du texte, mais également dans celui de sa vie, ainsi que nous l’avons précisé en<br />

ouverture).<br />

4. Jarry fait référence aux derniers mots de l’introduction : « […] nous n’apprendrons sans doute<br />

rien de nouveau à nos lecteurs, mais nous grouperons des faits connus dans un autre ordre et<br />

dans un autre esprit que ceux qui président ordinairement à leur nomenclature 4 ».<br />

5. La <strong>thèse</strong> de Maréchal est la suivante : « Pourquoi l’homme a-t-il nié la supériorité de l’animal<br />

sur lui ? […] L’homme est placé […] au-dessous de l’animalité. 5 » Et, constate Maréchal, les<br />

hommes « qui sont intelligents et instruits […] admettent que l’humain est un animal ; il sera<br />

peut-être plus difficile de faire accepter la croyance qu’il est un animal inférieur. 6 »<br />

Alphonse Allais, dans « Le Chambardoscope » (À se tordre : histoires chatnoiresques, Ollendorff,<br />

1891), défend aussi cette <strong>thèse</strong> 7 , qui était également chère à Remy de Gourmont, attentif à établir<br />

1<br />

Voir Id., p. 224-225. Il s’agit en l’occurrence de l’engoulevent, du crapaud, du hibou et de la<br />

mygale.<br />

2<br />

Id., p. 225.<br />

3<br />

Id., p. 224-225.<br />

4<br />

Philippe Maréchal, Supériorité des animaux sur l’homme, Fischbacher, 1900, p. 33.<br />

5<br />

Id., p. 224.<br />

6<br />

Id., p. 32-33.<br />

7<br />

Voir Alphonse Allais, Œuvres anthumes [œuvres complètes, volume I], avant-propos, biographie et<br />

bibliographie par François Caradec, Robert Laffont, collection Bouquins, 1989, p. 90-91.<br />

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