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En choisissant de reproduire de très longues citations, Jarry s’oppose implicitement à la<br />

démarche critique qu’il ne pouvait ignorer de Dumur, et il faut remarquer qu’il s’oppose d’autant<br />

plus ouvertement à cette démarche qu’en réalité tout son compte rendu n’est, ainsi que nous<br />

l’avons vu, à quelques rares exceptions près, qu’un gigantesque montage de citations, qu’elles<br />

soient parfois présentées de telle façon qu’il n’y ait aucune ambiguïté (Jarry va jusqu’à recopier le<br />

numéro des pages où elles se trouvent, sans imprécision), ou bien qu’elles soient parfaitement<br />

dissimulées, à tel point qu’elles semblent émaner en réalité de Jarry et être une modalité de son<br />

discours critique et de son érudition (aussi le commentaire qui lie ensemble les longues citations,<br />

au sein de ce compte rendu, est-il également, en réalité, composé uniquement de citations).<br />

En s’opposant avec force, ne serait-ce qu’implicitement, à la démarche normative de Dumur,<br />

Jarry s’oppose à ce sur quoi elle se construit. La démarche de Dumur, affirmée dans Le Mercure de<br />

France, est exemplaire d’une volonté qu’ont les érudits présents au sein de ce support de ne jamais<br />

dévoyer le propos de l’ouvrage, entraînant de leur part bien plus volontiers un retrait explicité<br />

qu’un développement critique, retrait qui se conjugue avec l’offrande faite au lecteur d’une<br />

exégèse toujours prudente, Jarry se situant en opposition totale avec cette conception, n’émettant<br />

jamais de réserve quant à ses assertions critiques, élevant sa parole en seule vérité, déclinant ainsi,<br />

comme nous l’avons déjà suggéré, le précepte édicté au sein de l’Almanach du Père Ubu, illustré de<br />

1899 : « ou nous vous dirons ce que vous avez lu partout ailleurs, le témoignage universel vous<br />

assurera ainsi de notre véracité : ou vous ne trouverez nulle part la confirmation de nos dires :<br />

notre parole s’élèvera donc en sa vérité absolue, sans discussion 1 » – avec le fracas d’une<br />

confiance en soi que rien ne semble pouvoir venir ébranler, chevillée à l’efflorescence constante<br />

d’une érudition s’exprimant le plus souvent d’allusives manières ou de façon resserrée, sans<br />

développements, érudition qui semble sans faille et paraît s’exprimer dans tous les domaines, sans<br />

exception –, de telle sorte que l’auteur du Surmâle semble habilité à pouvoir discourir à foison sur<br />

tous les sujets, quels qu’ils soient, et quel que soit le domaine de l’infinie encyclopédie à laquelle<br />

ils appartiennent, et semble ainsi répondre en tout point aux exigences de son « employeur », en<br />

somme de La Revue blanche qui cherche, tout comme Le Mercure de France (même si c’est à un<br />

niveau évidemment moins pléthorique), à offrir au lecteur une parole érudite et circonstanciée qui<br />

soit le fait de la figure du savant – d’où la constitution de rubriques très précises auxquelles sont<br />

rattachées des personnalités jugées légitimes en telle ou telle prise de parole et dans le même<br />

temps légitimées dans cette prise de parole du fait sinon de l’accaparement qui est le leur de telle<br />

ou telle rubrique, du moins de la façon suivant laquelle leur parole est circonscrite au sein de telle<br />

ou telle rubrique ; et s’il est vrai que Jarry vogue de l’une à l’autre, il n’en reste pas moins vrai que<br />

1 OC I, p. 536.<br />

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