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eaucoup inspiré, ainsi que nous l’avons vu) dans la vision (née de la sensation ontologiquement<br />

constitutive du corps astral en tant que tel) recherchée activement par Jarry 1 est permise<br />

justement par la façon suivant laquelle le corps astral prend de la distance avec les choses<br />

observées, de la distance au sens littéral, voyageant loin du corps (ces mouvements perpétrés par<br />

le corps astral sont incessants, au point qu’ils en constituent l’identité première 2 : « Et mon corps<br />

astral hâtait après elle ses pieds de silence. Elle courait sans relâche, montant ou descendant, sans<br />

souci des lois de la pesanteur que pour s’entasser en masses imposantes 3 »), afin justement d’avoir<br />

cette vue d’ensemble qui ne soit soumise ni aux impératifs de l’utilité régissant notre vision en<br />

faisant d’elle un processus toujours en mouvement de reconnaissance des catégorisations, ni aux<br />

schèmes mentaux nés (notamment) de l’éducation ou à l’aspiration à un principe de vérité et<br />

d’harmonie censé régir le monde (en ce siècle finissant où le progrès devient une religion), ces<br />

thêmata hiérarchisant indubitablement le contenu du visible.<br />

Ainsi, comme l’écrit Péladan, résumant là une pensée commune dans le milieu doué de<br />

spiritisme et d’appétence particulière au magisme dont Jarry, parmi beaucoup d’autres auteurs et<br />

penseurs, était friand : « Notre corps astral flotte souvent très loin de notre corps organique, et ce<br />

rappel brusque est contraire à toute hygiène. 4 »<br />

Et ce corps n’est évidemment, dans son mouvement même, incessant, nullement soumis aux<br />

lois de la pesanteur : « [...] le corps astral flottant dans l’air mobile pour venir s’asseoir à l’avant de<br />

ma barque, derrière moi [...] 5 » (L’autre Alceste). « Et mon corps astral, frappant du talon mon<br />

terrestre corps, partit pèlerin, laissant en mes nerfs un frémissement de guitare 6 » (Les Minutes).<br />

Léon-Paul Fargue reprendra cette idée : « Tu peux, si tu veux, marcher sur les eaux, monter<br />

très haut dans l’éther en donnant un coup de pied secret sur le sol, à l’endroit voulu, dans l’état de<br />

transe, te dissocier et te promener dans la lumière et dans la matière défendues […] 7 ».<br />

1<br />

Ainsi, Sacqueville dans la Dragonne peut-il vaincre à lui seul une armée parce qu’il parvient<br />

justement, par la façon dont il augmente, mathématiquement, la vision de la réalité qui s’offre à<br />

lui, s’approchant au plus près de la vérité d’une architecture platonicienne régissant le monde et<br />

donc lui permettant de prévoir ce qui va se produire, à « réaliser », loin de la « bataille<br />

« triangulaire » », « la bataille polygonale ». Et c’est ainsi qu’« [a]ucune balle ne passa à moins de<br />

vingt mètres de Sacqueville. »<br />

2<br />

Le corps astral est caractérisé par le mouvement qui n’est en somme que le mouvement induit<br />

par la sensation.<br />

3<br />

OC I, p. 195.<br />

4<br />

Péladan, La Décadence latine, éthopée [VIII], L’Androgyne, « couverture de Séon, eau-forte de<br />

Point », E. Dentu, 1891, p. 47.<br />

5<br />

Bouquin, p. 730.<br />

6<br />

OC I, p. 195.<br />

7<br />

Léon-Paul Fargue, Epaisseurs suivi de Vulturne, op. cit., p. 81.<br />

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