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que Valens allait devenir, jusqu’au malheureux jour où, la différence de deux ans et demi n’étant<br />

plus visible, ils se confondraient trop jumeaux. 1 »<br />

Jarry emprunte à Maeterlinck ce fantasme (douloureux pour l’auteur de César-Antechrist, qui<br />

évoque le « malheureux jour ») du moment où les deux êtres se confondent, au point qu’il n’est<br />

plus possible de reconnaître l’identité de chacun : « AGLAVAINE. Je dis de même, Méléandre.<br />

Lorsque je t’embrasse à mon tour, il me semble que c’est moi-même que j’embrasse […] je te<br />

cherche hors de moi et c’est en moi que je te trouve... je ne distingue plus nos mains, nos âmes ni<br />

nos lèvres... […] Tout se joint tellement en nos êtres, qu’il n’est plus possible de dire où l’un de<br />

nous commence et où l’autre finit... […] Je sens que je fleuris en toi comme tu fleuris en moi ; et<br />

nous naissons sans cesse l’un en l’autre... 2 » Et Maeterlinck de conclure : « Dieu s’est trompé sans<br />

doute quand il a fait ainsi deux êtres de notre être... 3 »<br />

19. Ces deux expressions latines se trouvent entre paren<strong>thèse</strong>s (« (Sodomiticum peccatum Venus<br />

praeter naturam) ») dans la préface de l’ouvrage de Dubois-Desaulle 4 . Celui-ci les donne à<br />

l’origine de l’expression « Le Non-conformisme en amour 5 ».<br />

L’usage que fait Jarry du latin, quand bien même il cite le texte original en taisant l’acte de<br />

citer qui est pleinement le sien, redouble certes sa posture érudite au sein de La Revue blanche,<br />

s’affirmant avec toute la force du critique qui est d’abord, à cette époque, hormis les frontières<br />

revendiquées de l’impressionnisme, un savant quant à la littérature.<br />

Mais le latin tel que cité par Jarry dans ce compte rendu renvoie également, et c’est là le point<br />

le plus important, à ce qu’écrit Flaubert dans son Dictionnaire des idées reçues en face du terme<br />

« [o]bscénité » : « Tous les mots scientifiques dérivés du grec ou du latin cachent une obscénité. 6 »<br />

Jarry ne fera pas que se souvenir de ce rappel de Flaubert dans son compte rendu du livre de<br />

Dubois-Desaulle. Il le mettra surtout en pratique dans Messaline bien évidemment, mais aussi dans<br />

Le Surmâle, plaçant par exemple cette parole dans la bouche de Bathybius : « – Septuageno coitu<br />

durasse libidinem contactu herbae cujusdam […] 7 », ou encore dans sa chronique « Le droit de critique »<br />

parue dans La Revue blanche du 1 er août 1902 : « certains puérils personnages se plaisent à braquer<br />

çà et là des lorgnettes, dites jumelles […]. On peut hardiment affirmer que : ou ces lorgnettes leur<br />

1<br />

OC I, p. 769<br />

2<br />

Maeterlinck, op. cit., p. 21<br />

3<br />

Id., p. 23<br />

4<br />

Voir G. Dubois-Desaulle, op. cit., p. I.<br />

5<br />

Ibid.<br />

6<br />

Flaubert, Bouvard et Pécuchet, avec un choix des scénarios, du Sottisier, L’Album de la Marquise et Le<br />

Dictionnaire des idées reçues, édition présentée et établie par Claudine Gothot-Mersch, Gallimard,<br />

collection Folio, 1979, p. 543.<br />

7<br />

Bouquin, p. 808.<br />

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