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encontrés à Cholon, par exemple : toutes ces belles maisons me paraissent beaucoup trop<br />

européennes. 1 »<br />

Aussi le pittoresque convoque-t-il avec lui un goût de nostalgie que le sentiment de<br />

l’exotisme – qui meut le voyageur en se cristallisant sous les traits d’un voyage au long cours – est<br />

venu combattre et que le voyageur retrouve in fine, dans un sentiment d’arriver invariablement<br />

trop tard.<br />

Ce sentiment est relié, aussi paradoxal que cela puisse paraître, au sentiment – présent tout<br />

autant – de ne pas être arrivé trop tard, puisque le pittoresque perdure, quand bien même il est<br />

déjà entouré, même fantasmatiquement, du halo perfide et dévorant, aux yeux du voyageur<br />

soucieux d’exotisme, de la civilisation.<br />

J.-J. Matignon remarque : « ce pittoresque – pittoresque de paysage et pittoresque de mœurs<br />

– il faudra se hâter d’en venir voir les dernières manifestations. Car, hélas ! le Japon n’est déjà<br />

presque plus le Japon. 2 »<br />

Et quand le réel ne vient pas se conformer aux rêves que le voyageur porte en lui du fait de<br />

ses lectures, rêves qu’il cherche à rendre réels en leur donnant l’occasion d’exprimer cette réalité<br />

qu’ils portent en eux, circonscrite géographiquement, laquelle existe prétendument au point<br />

d’avoir pu, du reste, ériger entièrement ces rêves (en attente non pas d’actualisation mais bien de<br />

confirmation) qui demeurent le moteur principal de tout voyage au long cours, quand celui-ci ne<br />

recèle pas une visée précise, le voyageur est contraint de se rabattre sur cette rêverie initiale, au<br />

sein même du réel dans ce qu’il est censé avoir de plus exotique (faisant en sorte que l’imaginaire<br />

puisse voler au secours du réel), le principal souvenir livresque demeurant, pour les voyageurs<br />

présents en pays d’Orient, les Mille et une nuits : « En Turquie, les femmes ne dansent pas<br />

publiquement ; pour imaginer leur beauté indolente, leurs yeux battus d’amour, leur sourire, leurs<br />

bras pâmés de lassitude et la cadence de leurs mouvements, que suit le cliquetis des sequins, nous<br />

sommes obligés de recourir aux rêves des Mille et une nuits, et aux fantaisies pittoresques par où<br />

l’on a essayé de nous dépeindre les ivresses du sérail... En tout cas, le spectacle improvisé devant<br />

la caserne des nizams ne donnait aucune idée de ces délices 3 », écrit Gaston Deschamps dans Sur<br />

les routes d’Asie paru en 1894.<br />

Jarry a retenu fortement ce lien de causalité entre le pittoresque et la vacuité sur laquelle il<br />

s’appuie et qui le travaille de l’intérieur au point de le transformer en principe de réalité – relié au<br />

1 Mme Louise Bourbonnaud, Les Indes et l’Extrême-Orient, Impressions de Voyage d’une parisienne, En<br />

vente chez l’auteur, [s. d.], p. 267.<br />

2 Docteur J.-J. Matignon, op. cit.<br />

3 Gaston Deschamps, op. cit., p. 61.<br />

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