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sols sablonneux et aux marécages, et que les êtres évoqués, les hommes et les femmes, tous les<br />

possédés des sens, natures primitives, indomptées et furieuses, se démenaient avec les bêtes des<br />

premiers âges, sur une terre vierge 1 ».<br />

Ce faisant, Jarry s’inscrit, une fois encore (a contrario de la pléthore d’exégèses qui ont voulu<br />

faire de lui un seul précurseur, en opposition totale avec son époque, du fait de son évidente<br />

distanciation avec le sens commun exprimée au travers d’un dédain mis en pratique pour les<br />

conformismes de tous horizons), dans une tradition littéraire propre à la fin-de-siècle : « [s]ans<br />

même recourir au roman préhistorique, dont la vogue s’affirme avec Edmond Haraucourt, J.-H.<br />

Rosny et Raymond Nyst, il n’est pas malaisé de découvrir, en plein Paris fin-de-siècle, la trace du<br />

mythe des origines sous des formes diverses et ses incidences langagières 2 », résume ainsi Jean de<br />

Palacio. « Évoquer le mythe des origines à l’extrême fin du siècle, c’est implicitement chercher à<br />

associer deux notions apparemment inconciliables : naissance et mort de l’univers, aube et<br />

crépuscule, chaos primordial et civilisation extrême, ou, pour tout dire, force vive et décadence.<br />

[…] La rencontre du début des âges et de la fin des civilisations crée un climat propice,<br />

permettant à la Décadence de se définir. 3 » Si « la Décadence peut […] faire du mythe des origines<br />

une sorte de suicide », de « façon paradoxale, le retour aux sources » est de cette façon « porteur,<br />

non de vie, mais de mort. Il exalte la régression et l’animalité, la faillite de l’humain et le retour<br />

vers le singe, héros d’un darwinisme à rebours 4 ».<br />

Ainsi, si Jarry lie ostensiblement création et fin du monde, c’est surtout, s’opposant ici<br />

implicitement avec force au darwinisme, afin de montrer qu’il ne saurait de ce fait y avoir bien<br />

évidemment de progrès, idée qu’il développe aussi en réécrivant, au sein du chapitre intitulé « De<br />

la mort de plusieurs, et singulièrement de Bosse-de-Nage 5 », la genèse, transformant celle-ci en<br />

destruction de l’humanité (sont tués « tous les vidangeurs et militaires », « des femmes », des<br />

« petits enfants 6 »…).<br />

Puisque la genèse est de facto indubitablement rattachée à la création du monde, c’est une<br />

destruction qui s’opère exactement comme une création, Jarry ne niant pas le sens rattaché à la<br />

genèse mais l’augmentant de son contraire.<br />

1 Dubut de Laforest, Le Gaga, Dentu, 1886, p. 149-150.<br />

2 Jean de Palacio, Le silence du texte, Poétique de la Décadence, Éditions Peeters, collection La<br />

république des lettres, 9, 2003, p. 168.<br />

3 Id., p. 169.<br />

4 Id., p. 170.<br />

5 Voir OC I, p. 702-703.<br />

6 Id., p. 703.<br />

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