30.06.2013 Views

thèse

thèse

thèse

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

permettant aux scientifiques d’asseoir leur pouvoir sur le « peuple » et sur « les bourgeois ». Aussi<br />

les scientifiques sont-ils perçus, d’une certaine façon, comme les nouveaux prêtres.<br />

Jarry s’insurge contre la prétention qu’arborent les scientifiques de pouvoir expliquer les<br />

entités obscures fortement ancrées dans l’imaginaire collectif comme la maladie grâce à des<br />

découvertes qui font cheminer l’invisible jusqu’au visible.<br />

Or, selon l’auteur de La Chandelle verte, rien n’est perçu par les scientifiques, hormis ce qui est<br />

visible immédiatement. Et l’acte de percevoir est inséparable d’un principe d’erreur dû aux sens<br />

humains. « La science, disent les bourgeois, a détrôné la superstition : une maladie n’est plus<br />

causée par le malin esprit, mais par des microbes que l’on sait détruire d’après des règles connues.<br />

Or on va de la science parfaite au concret digne de La Palisse : car on dit ce qui est visible aux<br />

yeux mortels (ce sont toujours des yeux mortels, donc vulgaires et très imparfaits, les supposât-on<br />

renforcés des microscopes des savants ; et l’organe des sens étant une cause d’erreur, l’instrument<br />

scientifique amplifie le sens dans la direction de son erreur) 1 » (Les Jours et les Nuits). « Les<br />

microbes, qu’on prouvera sans doute bientôt n’avoir jamais existé et n’être autre chose que des<br />

ferments, ont cet avantage […] qu’ils sont concrets, visibles et qu’on peut en exhiber l’image au<br />

peuple dans des conférences 2 » (« Le Nouveau Microbe », paru dans La Revue blanche du 15 juillet<br />

1901).<br />

Jarry synthétise cette conception de la médecine au travers de sa perception du médicament.<br />

Dans sa chronique « La légende du poison » parue dans La Plume du 1 er février 1903, l’auteur de La<br />

Chandelle verte écrit : « Ce qui tue, d’après la menace d’horrifiques étiquettes rouges, est en même<br />

temps ce qui fait vivre, sous le titre de médicaments ».<br />

Jarry reprend ici une idée développée par Flaubert dans Bouvard et Pécuchet (Lemerre, 1881) :<br />

« « La cause et l’effet s’embrouillent » […] Ils lisaient les ordonnances de leurs médecins, et<br />

étaient fort surpris que les calmants soient parfois des excitants, les vomitifs des purgatifs, qu’un<br />

même remède convienne à des affections diverses, et qu’une maladie s’en aille sous des<br />

traitements opposés. 3 » Il a pu en outre, encore plus précisément, être frappé par cette phrase de<br />

l’Eve future de Villiers de l’Isle-Adam (M. de Brunhoff, 1886) : « Mon cher lord, vous êtes un de<br />

ces malades que l’on ne peut traiter que par le poison […] 4 » et par cette remarque de Péladan<br />

dans le tome X de « La Décadence latine, éthopée », à savoir Le Panthée (E. Dentu, 1892) :<br />

1 Bouquin, p. 591.<br />

2 OC II, p. 305.<br />

3 Flaubert, Bouvard et Pécuchet, suivi de Le Dictionnaire des idées reçues, édition présentée et établie par<br />

Claudine Gothot-Mersch, Gallimard, collection Folio, 1979, p. 130.<br />

4 Villiers de l’Isle-Adam, L’Eve future, édition présentée, établie et annotée par Alan Raitt,<br />

Gallimard, collection Folio, 1993, p. 106.<br />

380

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!