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En réalité, il n’en est rien. Jarry fait bien référence à Récits du brigadier Flageolet, Souvenirs intimes<br />

d’un vieux chasseur d’Afrique, recueillis par Antoine Gandon 1 .<br />

Pour la formulation « empruntée aux bottillons de cavalerie » présente dans son compte<br />

rendu du Colonel Chabert, Jarry semble puiser dans l’évocation suivante : « […] tous les hommes<br />

étaient chaussés de brillantes bottines de maroquin rouge […] », rattachant, dans sa propre<br />

évocation, « bottillons » et « or » du fait peut-on penser de la formulation « brillantes bottines 2 ».<br />

Mais le principal passage auquel Jarry fait précisément allusion est autre. Il nous appartient de<br />

le citer afin de montrer en quoi justement celui-ci s’affirme pour Jarry suivant tout le pittoresque<br />

possible d’une description : « Le rôle du colonel Chabert était rempli par un vieux sous-officier<br />

[…] lorsqu’il fit son entrée dans la grande tenue de son grade, avec un bel uniforme bleu de roi<br />

revêtu de broderies d’or et d’épaulettes aussi étincelantes que si elles sortaient de la fabrique d’un<br />

passementier, quatre mille bravos partirent à la fois pour saluer cette riche mise en scène. C’était à<br />

ne pas y croire. Comment avait-on pu se procurer un si brillant costume ? D’où sortaient ces<br />

fraîches broderies ? Telles étaient les questions que chacun s’adressait, et dont le colonel donna<br />

lui-même l’explication après la représentation. Épaulettes d’or, broderies d’or, ceinturon en or,<br />

tout cela était fait en paille, mais avec un art si merveilleux, qu’il fallut les faire circuler parmi<br />

toute l’assemblée pour convaincre les incrédules. »<br />

Si cette description est parfaitement symptomatique de ce qu’est le pittoresque pour Jarry,<br />

c’est parce que ce terme désigne certes, étant « l’élément propre à la peinture », « l’emploi de la<br />

couleur et du relief dans le style » – le même terme « pouva[nt] servir à exprimer ce qui peint à<br />

l’esprit comme ce qui peint aux yeux 3 » –, le pittoresque donnant corps par le style à ce qui<br />

« mérit[e] » en définitive « une description particulière 4 », mais surtout parce qu’il signifie le<br />

brillant ostentatoire qui masque l’abîme, le décor plaqué sur le vide, et qui paradoxalement le<br />

désigne en le masquant, puisque tout le superbe du costume (le pluriel « des interprètes<br />

militaires » de Jarry qui a valeur d’hyperbole – étant donné qu’un seul militaire s’habille de cette<br />

manière – sert à appuyer encore davantage cette réalité, puisque l’implicite est que de nombreux<br />

costumes paraissent tels alors qu’il ne s’agit que des parures vestimentaires du seul Colonel<br />

Chabert) est dû paradoxalement à l’extrême pauvreté de la paille.<br />

1 Voir Antoine Gandon, Récits du brigadier Flageolet, Souvenirs intimes d’un vieux chasseur d’Afrique,<br />

préface de Paul d’Ivoi, illustrations de Worms, gravure de Polac, E. Dentu, 1859, p. 26-27.<br />

2 Id., p. 19-20.<br />

3 GDU, tome 12, p. 1090.<br />

4 Antoine Gandon, op. cit., p. 19.<br />

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