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tous et c’est sur lui que se cristallisent principalement les espoirs de Jarry et Valéry concernant le<br />

langage mathématique.<br />

Certes, un auteur comme Blanqui (et son propos ne fait nullement figure d’exception) dans<br />

L’éternité par les astres, « hypo<strong>thèse</strong> astronomique », paru en 1872, proclame l’inutilité des nombres<br />

lorsque la question envisagée est celle de l’infini, écrivant : « [i]ci, nous entrons de droit dans<br />

l’obscurité du langage, parce que voici s’ouvrir la question obscure. […] Le premier désagrément<br />

est de se trouver en tête-à-tête avec une arithmétique riche, très riche en noms de nombre,<br />

richesse malheureusement assez ridicule dans ses formes. […] Dans les pages suivantes, les<br />

chiffres, seul langage disponible, manquent tous de justesse, ou sont vides de sens. 1 »<br />

Mais Jarry n’est pas de cet avis. Il pense même exactement l’inverse.<br />

L’utilisation que fait Jarry du langage scientifique au sein de son œuvre laisse certes penser de<br />

prime abord qu’elle sert une visée humoristique, ainsi que cela est perceptible dans ses<br />

chroniques. Il serait vain de le nier.<br />

L’auteur d’Ubu Roi écrit ainsi dans « Le prolongement du chemin de fer de ceinture » : « [...] en<br />

ligne droite par le chemin de fer de ceinture, à une distance de Notre-Dame R + n, si l’on désigne par R<br />

le rayon de Notre-Dame à l’actuel chemin de fer de ceinture. Il sera enfantin de calculer le<br />

prolongement nécessaire du chemin de fer de ceinture, dont le périmètre total sera précisément<br />

égal alors à 2 Pi (R + n) 2 ».<br />

Dans « La vérité bouffe », l’on peut lire : « Le mari, « tiers larron », entrant, reprend : / Rien<br />

n’est plus joli qu’un joli duo / Si ce n’est un joli trio. / Ce qui pourrait s’écrire : 3 2 1 3 ».<br />

Ce faisant, Jarry s’inscrit dans la lignée pour lui tracée par le roman Ignis de Didier de Chousy<br />

paru en 1883 (qui est avant tout, il ne faut pas l’oublier, une satire du milieu scientifique et de la<br />

terminologie qui lui est propre, ainsi que Didier de Chousy l’explicite dans la préface), puisque<br />

des formulations telles que celles-ci émaillent ce récit qui a inspiré Jarry au point qu’il en a fait la<br />

substance d’une chronique : « Le trajet n’aura duré, d’ailleurs, que t=racine carrée de 2 x<br />

6,366,000 divisé par 9 (la racine englobant l’équation) = 1,139 secondes, soit 19 minutes moins<br />

une seconde. – Parfaitement, reprit M. Hatchitt 4 » ; « De 1 a par 57,000 siècles, soit 1/3000 de<br />

degré depuis l’Empire romain, précisa M. James Archbold 5 » etc.<br />

Mais il ne s’agit pas de s’arrêter à cette première considération. Les expressions<br />

mathématiques (et notamment les nombres) permettent également à Jarry (du moins<br />

1<br />

A. Blanqui, L’éternité par les astres, hypo<strong>thèse</strong> astronomique, Librairie Germer Baillière, 1872, p. 46.<br />

2<br />

OC II, p. 356.<br />

3<br />

Id., p. 454.<br />

4<br />

Didier de Chousy, Ignis, Berger-Levrault et Cie, 1883, p. 164.<br />

5 Id., p. 93.<br />

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