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Ce faisant, il s’agit pour Jarry comme pour les critiques impressionnistes de s’opposer à une<br />

« certaine critique universitaire qu’on appellera par la suite le lansonisme 1 ». « L’affirmation du<br />

champ universitaire comme espace intellectuel relativement autonome tant par rapport au champ<br />

du pouvoir que par rapport au champ intellectuel en général est la marque spécifique de cette<br />

période. Mais cette autonomie nouvelle, mesurée à l’aune des contraintes du premier XIX° siècle,<br />

loin de constituer une fermeture sur le monde, fonde au contraire le nouveau rayonnement social,<br />

voire la nouvelle légitimité du champ universitaire face aux légitimités culturelles traditionnelles 2 »<br />

– l’on peut même aller jusqu’à considérer qu’en un certain sens le champ universitaire est à<br />

l’origine de l’accomplissement de l’érection de la critique littéraire comme discipline : « [l]a<br />

naissance d’une discipline suppose […], comme Michel Foucault l’a montré, à la fois la<br />

délimitation d’un objet scientifique […] et la constitution d’un groupe social qui, au niveau des<br />

institutions, en assure la pratique et en propage les idées maîtresses. 3 » Le lansonisme consiste<br />

essentiellement, « selon son fondateur lui-même », Gustave Lanson (1857-1934), « à appliquer<br />

l’esprit scientifique aux études littéraires. 4 »<br />

Si Jarry s’oppose implicitement à la critique universitaire, ce n’est pas tant parce qu’elle aspire<br />

« à ce qu’on reconnaisse son caractère scientifique 5 » : c’est surtout parce que, « fort éloignée des<br />

foyers de création littéraire et imbue du principe positiviste de l’objectivité », elle a tendance « à<br />

être conservatrice, au sens strict du terme, car elle ne s’intéresse qu’au passé. 6 » Comme l’écrit<br />

Lanson, « [l]’objet des historiens, c’est le passé, un passé dont il ne subsiste que des indices ou des<br />

débris à l’aide desquels on reconstruit l’idée. [L’objet de la critique littéraire], c’est le passé<br />

aussi […] 7 ».<br />

Si les « tendances conservatrices et archaïsantes de la critique des « professeurs » […] 8 » sont<br />

souvent stigmatisées par les symbolistes, la critique universitaire continue invariablement de<br />

proclamer l’avènement de l’histoire littéraire : « Entre 1880 et 1914, l’histoire littéraire a tout à fait<br />

conquis droit de cité. S’appuyant sur la puissante « logistique » de l’Université, assurée d’une<br />

régulière production de <strong>thèse</strong>s, d’éditions critiques, elle irrigue l’enseignement grâce à un flux<br />

1<br />

R.-J. Berg, La Querelle des critiques en France à la fin du XIX° siècle, Peter Lang, collection American<br />

University Studies, Series II, Romance Languages and Literature, volume 151, 1990, p. 131.<br />

2<br />

Christophe Charle, Les intellectuels en Europe au XIX° siècle, essai d’histoire comparée, Seuil,<br />

collection L’Univers historique, 1996, p. 207.<br />

3<br />

Gérard Delfau et Anne Roche, Histoire littérature, histoire et interprétation du fait littéraire, Éditions du<br />

Seuil, 1977, p. 36<br />

4<br />

R.-J. Berg, op. cit.<br />

5<br />

Gérard Delfau et Anne Roche, op. cit., p. 49.<br />

6<br />

Ibid.<br />

7<br />

Propos cité dans NORDMANN, p. 187.<br />

8<br />

CARAMASCHI, p. 99.<br />

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