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ne sera question que de passions humaines, autres que l’amour, un drame dont le succès ne<br />

dépendra pas de la voix d’or, ou de la gorge palpitante d’une femme ? » »<br />

Voir aussi Yasuko Eshima, Le Christ fin de siècle, Tusson, Du Lérot, 2002.<br />

8. Louis Dumur écrit dans le numéro de juillet 1901 du Mercure de France : « Le personnage<br />

d’Emmanuel (à noter le choix de ce prénom) […] 1 ».<br />

Gustave Kahn note quant à lui dans sa préface : « […] c’est Emmanuel, le héros du<br />

drame […] 2 ». Voir notamment Le Semeur d’idéal, op. cit., p. 10 : « […] m’sieur Emmanuel ».<br />

De la même façon, dans Le Ressuscité de Fernand Hauser, ouvrage dont Jarry rend compte<br />

dans le même numéro de La Revue blanche, le Christ, nommé simplement « [l]’homme »,<br />

proclame : « Je ne me nomme pas Jésus... Je ne sais même pas comment je me nomme... (Comme<br />

en rêve). Cependant, il me semble qu’autrefois, il y a bien longtemps, bien longtemps de cela... oh<br />

oui, bien longtemps... il me semble qu’on me nommait Emmanuel... Oui... Je crois bien qu’on me<br />

nommait Emmanuel... Emmanuel […] 3 ».<br />

Remarquons que cette insistance à ne pas nommer le Christ chez les auteurs en prise avec ce<br />

sujet tient à leur volonté de présenter un drame moderne détaché des évangiles dans lequel peut<br />

se lire, en filigrane, leur époque.<br />

Car il s’agit toujours pour ces auteurs d’offrir une critique sociale au travers d’une évocation<br />

en proie apparemment à l’immémorial. Comme lorsque le cadre de l’antique (par le biais<br />

notamment de la figure de l’inassouvie Messaline) est utilisé en réalité pour peindre les traits de la<br />

fin-de-siècle, le cadre des évangiles est requis pour très spécifiquement parler de l’époque<br />

contemporaine sur laquelle il s’agit pour Albert Fua (qui fut pamphlétaire) ou encore Saint-<br />

Georges de Bouhélier de porter un regard extrêmement corrosif, porté par le communisme (pour<br />

De Bouhélier) ou le féminisme (pour Hauser).<br />

Le christ est ainsi perçu comme l’archétype de l’homme moderne porteur d’un idéal, cible<br />

d’une époque qui combat prétendument universellement à travers lui l’aspiration à la liberté qui le<br />

caractérise – il ne peut être de ce fait, en définitive, que la figure de l’anarchiste, ainsi que l’a<br />

souligné Jarry. Il n’y a ainsi nulle aspiration religieuse dans le recours par ces auteurs à ce qui a été<br />

stigmatisé à l’époque comme une mode littéraire.<br />

Aussi Jarry utilisera-t-il le prénom Emmanuel au sein de L’Amour absolu dans une toute autre<br />

visée, voulant donner voix à l’immémorial d’une parole poétique arrachée au tissu d’une époque,<br />

ce « roman » n’exprimant nulle volonté de s’enraciner dans le présent, si ce n’est uniquement,<br />

1 Le Mercure de France, op. cit., p. 172.<br />

2 Albert Fua, op. cit., p. 16.<br />

3 Fernand Hauser, op. cit., p. 49.<br />

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