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Jarry reviendra sur cette conception à la fin du roman, pointant ainsi du doigt l’aspect<br />

irrévocable, irréversible, de cette modification, en évoquant « […] le papier de tenture […] du<br />

corps de Faustroll. 1 »<br />

En outre, l’intensité suivant laquelle l’eau s’affirme comme agent modificateur est mise en<br />

avant par la mention de « la salive et [d]es dents de l’eau » dans le même passage 2 .<br />

— Terreur de mourir noyé.<br />

L’on comprend ainsi pourquoi la peur de mourir noyé a pu se développer avec une rare force<br />

en cette fin-de-siècle, outre le fait que selon Charles Vibert la « « mort par submersion »,<br />

indépendamment de ses causes, se situe à un des premiers rangs parmi les divers genres de mort<br />

violente. Elle représente environ 30 pour cent des morts accidentelles et environ le quart des<br />

suicides 3 ».<br />

Cette terreur, les publications humoristiques lui donnent corps, en cherchant à la renverser,<br />

comme le recueil du docteur Garrulus paru en 1896 intitulé Les Gaietés de la Médecine : « Deux<br />

ivrognes impénitents […] font une petite visite à la Morgue […]. Ils contemplent longuement un<br />

noyé, hideusement décomposé par suite d’un long séjour dans la Seine ; puis, l’un d’eux, se<br />

tournant vers son copain : – Tu vois, mon vieux Coupeau... Voilà où ça conduit de boire trop<br />

d’eau... 4 »<br />

Jarry lui-même donne plusieurs fois écho à cette terreur dans ses chroniques, au travers de la<br />

figure du noyé qui apparaît telle une espèce aquatique, l’auteur de La Chandelle verte s’inspirant<br />

peut-être directement d’un poème d’Henry Bataille inséré dans un recueil qui a pu l’alerter du fait<br />

de sa préface rédigée par Schwob : « C’est le moment où les cadavres introuvés, / Les blancs<br />

noyés, flottant, songeurs, entre deux ondes, / Saisis eux-mêmes aux premiers froids soulevés, /<br />

Descendent s’abriter dans les vases profondes 5 ».<br />

1<br />

Id., p. 722.<br />

2<br />

Ibid.<br />

3<br />

Charles Vibert, Précis de médecine légale, J.-B. Baillière et fils, 1912, p. 130 (cité par Frédéric<br />

Chauvaud, « Submersions et catastrophes : les figures du noyé au XIX° siècle », Dir. Frédéric<br />

Chauvaud, Corps submergés, corps engloutis, une histoire des noyés et de la noyade de l’Antiquité à nos jours,<br />

Éditions Creaphis, 2007, p. 70).<br />

4<br />

Dr Garrulus, Les Gaietés de la Médecine, « avec une préface du Dr E. Monin », Société d’éditions<br />

scientifiques, 1896, p. 173.<br />

5<br />

Henry Bataille, « IX », La Chambre blanche, « préface de Marcel Schwob », Mercure de France,<br />

1895, p. 32. Notons que ce poème date de 1890.<br />

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