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Tout l’acte performatif de la préface de Jarry est d’affirmer (et, ce faisant, de prouver) la<br />

supériorité de l’auteur sur le lecteur, quel qu’il soit : en somme sur n’importe quel critique, quelle<br />

que soit sa notoriété.<br />

L’auteur d’ « Haldernablou » renverse ainsi la hiérarchisation des termes de la dualité<br />

auteur/critique où la supériorité du critique est induite par sa prise de parole assertive à valeur de<br />

validation d’une réalité (la valeur ou la non-valeur) concernant un contenu (l’œuvre) face auquel il<br />

est d’emblée autorisé (de par son statut qui fait sens au point d’être en soi un discours se<br />

superposant à tout discours émanant de lui, pour en doubler la force en quelque sorte) à avoir<br />

semblable prise de position, c’est-à-dire de pouvoir.<br />

Or, une préface, en ce qui concerne un premier livre de vers d’un jeune auteur, est d’ordinaire<br />

un acte visant à l’humilité, lequel acte cherche indubitablement à attirer la clémence du critique, et<br />

par là même sa prise de parole (non assassine et idéalement circonstanciée) : il s’agit de le<br />

convaincre de l’intérêt de l’œuvre, de le convaincre au point de le pousser à cette prise de parole<br />

en revue(s) grâce à quoi le livre pourra exister auprès de ses lecteurs, car en l’occurrence peu de<br />

critiques cherchent à rendre compte d’un premier livre de vers, ou alors le font avec l’élégance<br />

brève des formules assassines, comme c’est le cas au Mercure de France, sous la plume de Charles<br />

Merki notamment.<br />

Jarry, s’il mentionne deux formules pouvant s’affirmer comme des actes d’humilité, le fait en<br />

réalité pour s’en distancier immédiatement par l’usage de l’italique (« Avant de lire ce qui est<br />

passable 1 » et « Avant de lire ce qui ne vaut rien 2 »).<br />

Ces formules dogmatiques ainsi apparaissent telles des citations pouvant émaner de critiques<br />

à quoi Jarry répond, dans deux paragraphes distincts 3 , sans faire que la façon circonstanciée de<br />

son propos déforce l’obscurité intrinsèquement constitutive de ce dernier – Jarry renverse ainsi le<br />

sens de toute préface puisqu’elle a vocation d’intelligibilité alors qu’ici c’est exactement l’inverse<br />

qui se produit (« et l’on ne sera pas plus clair 4 »), la préface amenant un surplus d’obscurité, et par<br />

conséquent un surplus de sens.<br />

En répondant à ces deux formules émanant d’une critique judicatrice, Jarry prend ainsi le pas<br />

sur les réserves qui pourraient lui être soufflées dans les comptes rendus qui pourraient être faits<br />

de son œuvre, les renversant in fine, après avoir affirmé l’infériorité du statut de critique (lecteur)<br />

sur celui de l’auteur, par une formule proclamant le relativisme de la critique et par conséquent le<br />

principe de subjectivité sur quoi elle se construit obligatoirement la dénuant du moindre criterium<br />

1 Ibid.<br />

2 Ibid.<br />

3 Ibid.<br />

4 Ibid.<br />

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