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subtil serpent qui tenta Eve / Était, était, osons le dire, en bois. // Hélas ! le monde s’use, hélas ! tout dégénère ;<br />

/ Nous, derniers héritiers des sages et des dieux, […] et des hommes à la tête de bois […] 1 ».<br />

Dans sa chronique intitulée « Livres d’enfants » (La Plume, 1 er juillet 1903), Jarry suggère en<br />

outre, toujours dans ce sens, que le progrès est le fruit d’une maladresse, et par conséquent<br />

s’affirme en réalité bien plutôt comme une régression (ce qui était déjà perceptible avec une<br />

certaine force à la lecture d’Ubu sur la butte) : « L’être humain est incapable de recommencer<br />

exactement la même chose. Cette maladresse à « doubler » la touche de son premier projectile sur<br />

une cible, c’est ce qu’il appelle le progrès. 2 »<br />

Son propos ici encore ne fait pas exception (cette conception était même un véritable topos<br />

parmi l’élite littéraire rétive au scientisme) car il rejoint très fortement celui de Raoul Minhar dans<br />

Le Mercure de France en 1893, qui écrit au sein d’un article intitulé « La réforme orthographique » :<br />

« […] cet admirable progrès qui nous ramène toujours aux périodes les plus antiques […] 3 ».<br />

L’auteur de Messaline rejoint en outre des auteurs qui l’ont influencé comme Didier de<br />

Chousy qui écrit dans Ignis, ouvrage qui paraît chez Berger-Levrault en 1883, mais en actualisant<br />

cette parole, l’énonçant au présent, et retirant tout le péjoratif implicitement rattaché à la figure de<br />

l’ « ancêtre » de l’homme : « l’homme entrera dans la phase du transformisme en arrière, du retour<br />

au singe, et du singe aux animaux inférieurs, sans qu’on puisse prévoir le terme de cette marche à<br />

reculons (regressus) ; car l’humanité, comme l’ont dit MM. Pascal et Archbold, n’est qu’un homme<br />

qui « désappren[d] sans cesse » […] 4 ».<br />

2. 5. Le rudimentaire identique au parfait.<br />

2. 5. 1. Les organismes vivants n’évoluent pas de l’unité à la complexité.<br />

En outre, le recours aux théories du « swedenborgien docteur Misès » (qui n’est autre que<br />

Fechner) permet à Jarry de proclamer la similitude entre « les œuvres rudimentaires », les « êtres<br />

embryonnaires » et les œuvres les « plus parfaites », les êtres les « plus complets 5 ». Il revient sur<br />

cette idée dans son roman Les Jours et les Nuits : « […] il n’y a point de différence entre la sphère,<br />

forme d’un corps rudimentaire […] et la forme d’un corps parfait, qui est encore la sphère […] 6 ».<br />

Ce faisant, Jarry s’oppose au propos scientifique alors universellement répandu : « [p]artout »,<br />

résume Paul Laffitte dans Le Paradoxe de l’égalité paru en 1887, « qu’il s’agisse d’organismes vivants<br />

1 OC I, p. 634.<br />

2 OC II, p. 474.<br />

3 Le Mercure de France, n° 45-48, tome IX, septembre-décembre 1893, p. 2.<br />

4 Didier de Chousy, Ignis, Berger-Levrault et Cie, 1883, p. 167.<br />

5 OC I, p. 399.<br />

6 Id., p. 796.<br />

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