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(Bordillon juge quant à lui qu’ « Haldernablou » doit beaucoup au « Château singulier » de<br />

Gourmont 1 ) ?<br />

Cette dédicace dit plus qu’elle ne veut dire : elle est une manière pour Jarry de reconnaître<br />

l’ascendant qu’a Gourmont sur lui. C’est, à travers « Haldernablou », une partie de lui qui<br />

appartient à Gourmont. Il lui « appartient » comme un élève appartient à son maître, comme un<br />

fils appartient à son père. Il lui appartient avant de s’appartenir, avant de se découvrir. C’est-à-<br />

dire qu’il laisse à Gourmont le soin de le guider.<br />

Cette proximité (renforcée par la mention « l’autre jour » qui peut laisser penser que d’autres<br />

discussions ont eu lieu) doit permettre à Vallette, Jarry le pense sûrement, d’accepter plus<br />

facilement son intégration au sein de la revue.<br />

Jarry laisse percer dans sa lettre une énigme (« le page Cameleo m’ayant supplié de le<br />

débaptiser »), en même temps qu’il se dévoile : ce page existe (en l’occurrence il s’agit de Fargue),<br />

il entretient une relation avec lui, et cette dernière est à constante dominant / dominé (Haldern :<br />

« … Tu es un bon serviteur 2 » ; Haldern : « Je veux, après t’être avili devant moi, que tu puisses<br />

m’en demander raison 3 »). Jarry domine (il est le duc – titre nobiliaire le plus élevé après celui de<br />

prince) puisque Fargue (il est le page – jeune noble placé au service d’un seigneur ; soulignons<br />

que page vient du grec paidion qui signifie petit garçon) a besoin de « supplier ».<br />

C’est une façon de se mettre en avant implicitement, en affirmant la différence qui existe<br />

entre lui et le page (Jarry crée, il écrit – le pouvoir est de son côté, c’est lui qui influe sur le cours<br />

des choses –, tandis que Fargue se contente de supplier – il tente de réfréner le cours des<br />

choses –), autant qu’une façon de tisser un lien privilégié avec le directeur du Mercure de France<br />

(puisque s’élaborant sur le versant de l’intime, de la confidence).<br />

Jarry va jusqu’à parler à mots couverts de la nature de la relation qu’il entretient avec Fargue.<br />

C’est tout le sens de l’expression : « l’horreur de la bête double accouplée ». « La bête double »<br />

suggère le caractère fusionnel, en même temps qu’elle brouille les identités. On ne sait plus qui est<br />

qui. Peut-être Jarry suggère-t-il le pouvoir envahissant qu’avait Fargue, aussi bien dans sa vie que<br />

pour son écriture. C’est comme si Jarry avouait implicitement (au travers principalement de la<br />

dédicace) la façon qu’a la figure de Remy de Gourmont, dans le sens d’une proximité gémellaire,<br />

de prendre le pas sur celle de Fargue, au point de l’annihiler totalement.<br />

1 Voir Henri Bordillon, « Gourmont et Jarry », La Quinzaine Littéraire, numéro 374, 1-15 juillet<br />

1982, p. 12-13.<br />

2 Bouquin, p. 57.<br />

3 Id., p. 55.<br />

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