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Jarry et Valéry se rapprochent en de nombreux points des scientifiques en ce sens qu’ils<br />

cherchent à éclipser le monde immédiatement connu par les sens, à remettre en question ce<br />

monde du sens commun des partisans de Ptolémée 1 (« Une œuvre d’art », note Valéry, « devrait<br />

toujours nous apprendre que nous n’avions pas vu ce que nous voyons 2 » ; il s’agit « d’atteindre le<br />

dessous de l’horizon sensible 3 » – Faustroll –, quitte à voir, comme le note Jarry, le soleil de trop<br />

près, « de si près »), en ce sens aussi qu’ils tentent de découvrir et de nommer les relations sous-<br />

jacentes qui gouvernent la nature 4 (qu’elle se rapporte à l’extérieur ou à l’intérieur du sujet), l’un<br />

d’une façon éminemment ludique (on peut lire le résultat sous le nom de La Chandelle verte, lumières<br />

sur les choses de ce temps), l’autre de façon beaucoup plus « sérieuse » (dans ses Cahiers), ce qui ne<br />

veut pas dire plus sincère, l’un et l’autre empruntant aux sciences tous les outils dont il leur<br />

semblera qu’ils peuvent avoir besoin. « Je cherche un symbole, une représentation, une formule.<br />

J’en trouve bien le manque », écrit Valéry dans un brouillon 5 .<br />

3. 9. Les mathématiques : rendre clair l’obscur.<br />

La liberté (une liberté qui se confond avec l’expression de leur curiosité intarissable) semble<br />

être le seul devoir pour des auteurs qui vont user des mathématiques à la fois parce qu’elles sont<br />

nœuds d’obscur pouvant décupler la portée poétique des phrases, comme nous l’avons vu, mais<br />

aussi parce qu’elles semblent être des armes opportunes pour rendre clair l’obscur 6 .<br />

Ces deux réalités ne sont pas inconciliables, contrairement à ce que l’on pourrait penser : les<br />

mathématiques apparaissent pour ces deux auteurs à la fois comme sémantiquement vides et<br />

1<br />

Voir Martin Heidegger, Qu’est-ce qu’une chose ?, Gallimard, 1971.<br />

2<br />

Paul Valéry, Œuvres, I, op. cit., p. 1165.<br />

3<br />

Bouquin, p. 510.<br />

4<br />

Ces relations constituent pour Galilée la mathemasis universalis, lequel oppose le monde vrai (image<br />

que dessine en creux la somme des lois) et le monde quotidien, fuyant et conjectural (voir Henry<br />

Bett, Nicolas of Cusa, Londres, Methuen, 1932, p. 176 et sq. ; voir également Karl Jaspers, Anselm<br />

and Nicolas of Cusa, édité par Hannah Arendt, traduction de Ralph Manheim, New York,<br />

Harcourt, Brace & World, 1966, p. 105 sq.), contredisant ainsi (au passage) De Cuse, pour qui les<br />

modèles arithmétiques de la nature sont désignés par le terme « conjecture » (De Conjectura). Lire<br />

notamment Paul Valéry, Introduction à la méthode de Léonard de Vinci, op. cit., p. 60 et sq.<br />

5<br />

« Notes anciennes manuscrit [1900] », propos cité par Nicole Celeyrette-Pietri, op. cit., p. 26.<br />

Valéry écrit aussi : « J’ai rêvé d’une littérature. Pure. Autre que celle où règne le parler usuel [...] À<br />

mes yeux rigueur, logique, précision etc. – représentent un choix – l’obtention de corps purs.<br />

Faire une littérature seulement composée de formes nettes. » (Cahiers 9, p. 221).<br />

6<br />

Pour dissiper le « vague dans [l’]esprit, un je ne sais quoi épais comme de la fumée », pour<br />

chasser « ce voile obscur, comme le vent chasse le damier » (Lautréamont, Les Chants de Maldoror,<br />

« Chant deuxième »).<br />

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