30.06.2013 Views

thèse

thèse

thèse

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Remarquons que la lecture active et intensément créatrice que fait Jarry des ouvrages de<br />

Rabelais influence son œuvre dans sa totalité, laquelle influence demeure surtout sensible à partir<br />

de César-Antechrist, et ne témoigne pas uniquement d’une volonté (elle présente dès Les Minutes) de<br />

faire s’entrechoquer les registres (registres dont la coexistence est importante dans la mesure où<br />

c’est alors que peut être signifié quelque chose de l’humanité – et « qui es-tu être humain ? » est<br />

une question lancinante qui parcourt toute l’œuvre de Jarry –, laquelle humanité ne peut<br />

apparaître que dans toute sa complexité, car c’est alors seulement qu’elle s’affirme dicible, cette<br />

complexité étant ce qui la caractérise au plus intime) : le parler grossier d’Ubu (ou celui rattaché<br />

indubitablement à la réalité de l’armée comme c’est le cas dans Les Jours et les Nuits) et les<br />

raffinements extrêmes d’un symbolisme finissant, mais témoigne surtout d’une volonté de faire<br />

s’entrechoquer différentes temporalités en matière de langage, Jarry mêlant à sa diction post-<br />

symboliste des éléments bruts émanant directement de l’œuvre rabelaisienne, comme c’est le cas,<br />

de façon exemplaire, avec César-Antechrist : « Mais tu planes, et tu attires de tes ailes comme par<br />

delà l’horizon un autre oiseau ton serviteur quoique d’envergure plus immense, comme le petit<br />

poisson remore les grandes naufs. 1 »<br />

21. Jarry fait référence au passage suivant, contenu dans le chapitre XXIX de Pantagruel : « Lors<br />

que approcher les vid Pantagruel, print Loupgarou par les deux pieds, et son corps leva comme<br />

une pique en l’aer, et d’icellui armé d’enclumes frappoit parmi ces géants armés de pierres de<br />

taille, et les abbatoit comme un masson faict de coupeaulx, que nul n’arrestoit devant lui qu’il ne<br />

ruast par terre. […] [E]t à voir Pantagruel sembloit un faulcheur ; qui, de sa faulx (c’estoit<br />

Loupgarou), abbatoit l’herbe d’un pré (c’estoient les géants). Mais à ceste escrime, Loupgarou<br />

perdit la tête. 2 »<br />

22. Rachilde écrit dans son compte rendu de cet ouvrage de Mirbeau dans Le Mercure de France<br />

d’octobre 1901, soit un mois après Jarry : « Il y a des histoires […] entremêlées de quelques jolies<br />

anecdotes sur les animaux comme celle du hérisson soulographe. 3 »<br />

Remarquons que Jarry ne parle en rien de cette appétence du hérisson à boire de l’alcool, ce<br />

qui peut paraître surprenant, étant donné la volonté constante de l’auteur de La Chandelle verte de<br />

défendre l’alcool comme élixir de santé et principe « repopulateur », perceptible dans Le Surmâle<br />

mais aussi (notamment) dans son compte rendu de La Natalité en France en 1900.<br />

1 OC I, p. 331.<br />

2 Œuvres de François Rabelais, contenant la vie de Gargantua et celle de Pantagruel, illustrations par Gustave<br />

Doré, J. Bry Ainé, Libraire-éditeur, 1854, p. 136-137.<br />

3 Le Mercure de France, op. cit.<br />

1125

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!