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« L’apocalypse démesurée et violente de M. Léon Bloy échappe, comme on le voit, à la basse<br />

critique et aux chicanes grammaticales : il faut en aimer ou en haïr franchement l’imagination<br />

fulgurante et ténébreuse 1 », constate ainsi implicitement que l’acte est très courant par lequel le<br />

critique blâme un ouvrage ou un auteur en mettant l’accent sur des erreurs lexicales ou<br />

syntaxiques, jetant au regard des coquilles qui n’en sont peut-être pas, le critique devant montrer<br />

justement, implicitement ou explicitement comme dans le compte rendu de Jarry de la traduction<br />

de Lagoguey, qu’elles ne sont pas le fait de l’imprimeur mais valent comme signe d’une dérive que<br />

porte en lui l’auteur lequel est non pas seulement en proie à la démocratisation galopante mais<br />

véritablement symptôme de celle-ci : l’on peut ainsi aller jusqu’à dire que l’auteur n’est jamais<br />

critiqué pour ce qu’il est mais toujours désigné en tant que symptôme, lequel se situe à deux<br />

niveaux : symptôme des dérives du journalisme et à travers elles (et c’est là le plus important) des<br />

méfaits de la démocratisation.<br />

— Railler le journaliste, qui n’est pas écrivain.<br />

Et ce n’est ainsi pas tant l’auteur d’ouvrages qui apparaît comme symptôme que, bien<br />

évidemment, le chroniqueur salarié, première victime de la démocratisation, qui porte en lui le<br />

laisser-aller qui est prétendument la marque de cette évolution des mœurs sur quoi se calque<br />

l’histoire, visible en la langue même, le journaliste devenant comme la preuve vivante de<br />

l’omniprésence de la marchandisation de la littérature découlant du sacre de la grande presse.<br />

En somme, ce que Jarry reproche à Sarcey, c’est ce que les auteurs reprochent aux<br />

journalistes touchant à la critique littéraire, Sarcey allant, en un certain sens, jusqu’à incarner le<br />

critique professionnel qui œuvre pour la grande presse.<br />

Si le journaliste est jugé « ami des locutions connues 2 », comme l’écrit Rachilde, Pierre<br />

Quillard va jusqu’à remarquer dans Le Mercure de France en 1891 que « les plus éminents des<br />

chroniqueurs 3 » ne « connaiss[ent] » pas « notre langue 4 ». Au travers de cette formulation, il faut<br />

surtout entendre cette remarque : « [l]es plus éminents des chroniqueurs » sont censés connaître<br />

moins bien « notre langue » qu’un poète 5 .<br />

Remarquons ainsi que les écrivains se sont accaparés la langue au point d’en devenir les seuls<br />

juges (aussi Jarry peut-il se placer dans cette posture, de très nette façon, au sein de ce présent<br />

1 Le Mercure de France, n° 33-36, tome VI, septembre-décembre 1892, p. 270.<br />

2 Le Mercure de France, n° 76-78, tome XVIII, avril-juin 1896, p. 28.<br />

3 Le Mercure de France, n° 19-24, tome III, juillet-décembre 1891, p. 116.<br />

4 Ibid.<br />

5 Id., p. 115-116.<br />

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