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— Il n’y a pas de vérité(s), il n’y a que des individualités.<br />

Si Jarry s’oppose ouvertement à l’idée générale, c’est parce que la ’Pataphysique se veut<br />

« surtout la science du particulier 1 », c’est-à-dire, en somme, « la Science des exceptions »,<br />

cherchant à « étudie[r] les lois qui régissent les exceptions […] 2 ».<br />

Ce faisant, il proclame, rejoignant en tout point l’idée de Schwob développée dans sa préface<br />

de Vies imaginaires, que tout, au sein de la nature, est constitué d’exceptions, Jarry et Schwob<br />

s’opposant alors, peut-on penser, à l’affirmation d’Auguste Blanqui (mais il n’est bien sûr pas le<br />

seul à énoncer semblable propos) présente dans L’éternité par les astres paru en 1872 : « La nature<br />

tire chacun de ses ouvrages à milliards d’exemplaires. […] [L]a similitude et la répétition forment<br />

la règle, la dissemblance et la variété, l’exception. 3 »<br />

Tous les ouvrages de la nature se caractérisant avec force, pour Jarry et Schwob, même à un<br />

niveau difficilement visible à l’œil nu, par leur « dissemblance » et leur « variété » les érigeant, de<br />

fait, les uns par rapport aux autres, en exceptions, il est possible d’être captif de la vision d’un seul<br />

d’entre eux, riche au-delà des possibilités qu’offre l’intellection quant à un enseignement (qui soit<br />

entier) le concernant, ainsi que le suggère Lord Kelvin dans ses Conférences scientifiques et allocutions<br />

(traduites et publiées en 1893) qui ont passionné Jarry : « Gonflez une bulle de savon et regardez-<br />

la ; vous pourrez l’étudier pendant toute votre vie peut-être, sans cesser d’en tirer des<br />

enseignements sur la Science physique. 4 » Aussi ne peut-il exister de vérité générale.<br />

Si chaque réalité échappe à la règle, obéissant à la déclivité imprévisible du mouvement des<br />

atomes telle qu’énoncée dans la théorie du clinamen à laquelle Jarry fera souvent allusion, il n’est<br />

pas possible d’envisager une « acceptabilité rationnelle idéalisée 5 » la concernant, qui, en la<br />

prenant dans le réseau dense de ses significations, permettrait à notre intellection de s’élaborer<br />

par catégorisations, en la caractérisant sans failles.<br />

Jarry s’oppose ainsi à la pensée alors déjà commune dans la communauté scientifique comme<br />

quoi « [t]oute science est un système de vérités générales 6 ». « Quant à la coordination des vérités les<br />

plus générales », ajoute Goblot, qui fait alors figure de vulgarisateur (dépêchant une syn<strong>thèse</strong> au<br />

1 OC I, p. 668.<br />

2 Ibid.<br />

3 A. Blanqui, L’éternité par les astres, hypo<strong>thèse</strong> astronomique, Librairie Germer Baillière, 1872, p. 51.<br />

4 Sir William Thomson (Lord Kelvin), Conférences scientifiques et allocutions traduites et annotées sur la<br />

deuxième édition par P. Lugol, avec des extraits de mémoires récents de Sir W. Thomson et quelques notes par M.<br />

Brillouin, Constitution de la Matière, Gauthier-Villars et fils, 1893, p. 108.<br />

5 Hilary Putnam, Représentation et réalité, traduit de l’anglais par Claudine Engel-Tiercelin,<br />

Gallimard, collection NRF essais, 1990, p. 189.<br />

6 Edmond Goblot, op. cit., p. 1.<br />

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