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Et Péladan et Jarry vont jusqu’à affirmer constamment dans leur œuvre, se plaçant dans le<br />

plus pur idéalisme, la primauté de l’idée sur l’acte 1 et sur le réel, fût-il « fabuleux 2 », en somme du<br />

rêve sur toute forme d’existence 3 , c’est-à-dire, en définitive, de la littérature sur la vie.<br />

Dans la chronique « Le nouveau microbe » (parue à La Revue blanche le 15 juillet 1901), Jarry<br />

parle d’un « mal qui répand la terreur mais dont il n’est point si déplorable que souffrent quelques<br />

milliers de Français puisqu’il a fourni à un écrivain de France l’occasion de ce petit chef-d’œuvre,<br />

Bubu-de-Montparnasse 4 ». L’on peut penser que Jarry radicalise la phrase de Mallarmé prononcée<br />

face à Jules Huret (en 1891) pour L’Écho de Paris : « le monde est fait pour aboutir à un beau<br />

livre 5 », se l’appropriant comme s’il se fût agi d’un credo. Péladan est de cet avis puisqu’il écrit<br />

dans Le Vice Suprême : « La vie des chefs-d’œuvre a plus de prix que celle des hommes. 6 »<br />

En outre, « [l]a lecture » est la « clef de tout 7 ». En côtoyant les œuvres, l’on peut s’extraire du<br />

conformisme social (de pensée et d’apparences). L’on peut également comprendre le monde (tel<br />

qu’il a été, est et sera) : Péladan et Jarry considèrent presque la littérature comme une entité<br />

surnaturelle qui « dicte[rait] ses conditions à la vie 8 » (« L’âme ouverte à l’art antique »).<br />

Dans « Edgar Poe en action », Jarry présente le cas d’un homme, forcé selon lui « de plagier<br />

avec tous ses actes des actes prédits dans une littérature moderne qui assume la rigueur d’une<br />

fatalité antique 9 ». « Un livre », écrit avant lui Péladan, est « une actio[n] qui dur[e] toujours,<br />

puisque dans mille ans ell[e] déterminer[a] des actes. 10 »<br />

La lecture doit être foisonnante. Il ne s’agit pas seulement de lire les œuvres des grands<br />

hommes, ayant le statut de modèles. Péladan et Jarry, pétris d’une inlassable curiosité, lisaient tout<br />

ce qui leur tombait sous la main. Péladan écrit de lui qu’il a « lu quatorze mille volumes 11 ». Dans<br />

1 « [L]’Idée déchoit qui passe à l’Acte », écrit Jarry dans son compte rendu d’ « Âmes solitaires »,<br />

peut-être influencé par cette phrase de Péladan dans À cœur perdu : « une action est la descente<br />

d’une conception » (Péladan, La Décadence latine, éthopée [IV], À cœur perdu, op. cit., p. 22-23).<br />

2 « [J]’ai sacrifié [l]e réel fabuleux au respect d’une idée », confesse Péladan dans La Gynandre<br />

(Péladan, La Décadence latine, éthopée [IX], La Gynandre, op. cit., p. 312).<br />

3 « La vie qu’on mène est toujours peu de chose, […] ; la vie qu’on rêve, voilà la grande et<br />

immortelle existence », résume Péladan dans L’initiation sentimentale (Péladan, La Décadence latine,<br />

éthopée [III], L’Initiation sentimentale, op. cit., p. 170).<br />

4 OC II, p. 304.<br />

5 Propos cité dans Dir. Annick Benoit-Dusausoy et Guy Fontaine, Lettres européennes : histoire de la<br />

littérature européenne, Hachette éducation, 1992, p. 535.<br />

6 Sar J. Péladan, La Décadence latine, éthopée [I], Le Vice Suprême, op. cit., p. 222.<br />

7 Péladan, La Décadence latine, éthopée [VII], Cœur en peine, op. cit., p. 57.<br />

8 Jarry, La Chandelle verte, lumières sur les choses de ce temps, édition établie et présentée par Maurice<br />

Saillet, Le Livre de poche, 1969, p. 426.<br />

9 Id., p. 52.<br />

10 Sar J. Péladan, La Décadence latine, éthopée [I], Le Vice Suprême, op. cit., p. 215.<br />

11 Péladan, La Décadence latine, éthopée [II], Curieuse !, op. cit., p. 335.<br />

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