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critique hâtif qui ne se document[e] sur une pièce que par le titre lu distraitement sur le<br />

programme ».<br />

Et lorsque le critique donne voix à sa fonction, exprimant un jugement, ce qu’on attend, de<br />

fait, de lui, qu’advient-il selon Jarry ?<br />

Par jugement, il faut comprendre qu’il s’agit souvent de jugements négatifs, ainsi que nous<br />

l’avons vu longuement ; c’est la critique judicatrice si décriée par les contemporains de Jarry et qui<br />

fait alors (encore) florès.<br />

L’énonciation d’un jugement émanant d’un critique est pour Jarry chose parfaitement inutile,<br />

puisque le jugement ne saurait être autre chose que le reflet de la subjectivité de son énonciateur.<br />

Or, c’est le propre d’un jugement que de se vouloir sinon impartial, du moins de pouvoir<br />

exprimer un avis qui puisse se fonder sur un critérium d’une supposée vérité de l’appréciation,<br />

due au statut de l’énonciateur, à sa posture.<br />

Il n’est ainsi plus possible de parler de jugement. « [Q]u’est le jugement, voulu « impartial »,<br />

d’un seul, sinon une opinion personnelle » interroge Jarry dans le compte rendu de « L’Art<br />

dramatique et musical, première année » paru dans La Revue blanche le 15 février 1903, ainsi que nous<br />

l’avons déjà évoqué.<br />

Il faut comprendre cette remarque à la lueur de l’idéalisme qui préconise, ainsi que cela est<br />

exprimé dans la bibliographie de La Paix pour la Vie de E. Saint-Lanne et Henri Ner (J. Blanc et<br />

Cie) insérée dans Le Mercure de France en 1892, que le critique n’a « guère qualité pour […] discuter<br />

avec l’auteur » de « la signification totale du livre », l’idiosyncrasie du critique différant de celle de<br />

l’auteur (les « convictions » de celui-ci « étant autres »), et surtout son « obscurité » personnelle lui<br />

interdisant d’énoncer abruptement « des affirmations 1 », alors même qu’il y est invité de par son<br />

statut. Chacun ne peut que « se retraire en soi-même et [...] ne [...] contempler les choses que<br />

selon son rêve 2 », comme le note Pierre Quillard à propos d’Henri de Régnier dans Le Mercure de<br />

France en 1892.<br />

Et l’impossibilité où se tient le critique d’exprimer la juridiction qui lui est propre s’étend<br />

jusqu’au fait qu’il ne puisse pas même énoncer de jugement sur la structure de l’ouvrage dont il<br />

rend compte, sur son unité puisque si, ainsi que l’exprime Vallette dans sa bibliographie de Rimes<br />

de Mai d’Henri Corbel, « [l]es poésies n’ont pas entre elles l’enchaînement qu’on demande<br />

aujourd’hui à toutes les pièces d’un livre, qui deviennent comme les chapitres d’un seul poème 3 »,<br />

la principale unité demeure l’idiosyncrasie de l’auteur, ne pouvant ainsi, de fait, être remise en<br />

question, ainsi que le constate implicitement Gourmont dans sa bibliographie de Cycle patibulaire<br />

1 Le Mercure de France, n° 33-36, tome VI, septembre-décembre 1892, p. 83.<br />

2 Le Mercure de France, n° 29-32, tome V, mai-août 1892, p. 141.<br />

3 Le Mercure de France, n° 33-36, op. cit., p. 82.<br />

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