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Victor Vétault dans son Étude médico-légale sur l’Alcoolisme, des conditions de la responsabilité au point<br />

de vue pénal chez les alcoolisés est beaucoup plus explicite, et l’on comprendra maintenant pourquoi<br />

Pavlovsky parlait de l’absinthe : « Parmi [l]es boissons, il en est une dont la puissance enivrante<br />

beaucoup plus considérable produit des manifestations d’une intensité singulière et de la plus<br />

grande gravité ; nous voulons parler de la liqueur d’absinthe. Ici l’empoisonnement est le résultat<br />

de l’action combinée de deux éléments toxiques, l’alcool d’un côté et l’essence d’absinthe de<br />

l’autre. 1 » C’est sous l’emprise de l’absinthe qu’en l’homme les « passions s’éveillent et entraînent<br />

avec elles la force brutale que la raison n’est plus apte à diriger ; de là, des actes d’une violence<br />

quelquefois inouïe. 2 »<br />

— Apologie de la violence : le bourgeois devenu apache.<br />

Remarquons que Jarry ne niera nullement cette ultime affirmation de la gente scientifique,<br />

faisant au contraire du Surmâle, grand défenseur et praticien de l’alcoolisme aigu, l’ouvrier d’une<br />

violence inouïe – s’exprimant notamment, ce qui pour n’être que sous-entendu dans le cours de la<br />

narration n’en est pas moins évident, par le viol d’une fillette 3 .<br />

Cette précision de Jarry, fût-elle placée dans le domaine de l’allusion, fait sens. En effet, à<br />

cette époque, « [s]euls les crimes sexuels, attentats à la pudeur et surtout viols, connaissent […]<br />

une progression notable dans les colonnes des journaux ». « [C]ette progression témoigne de la<br />

sensibilité accrue à ce sujet, notamment dans le cas des fillettes dont le viol est perçu comme un<br />

crime de plus en plus intolérable. 4 »<br />

La grande spécificité du Surmâle est qu’il n’est pas un « [b]ourgeois dévalis[é] ou molest[é] 5 »<br />

mais un (grand) bourgeois lui-même instigateur de violences, ce grade découlant logiquement du<br />

cadre de vie lui appartenant : un château.<br />

Jarry fait plus, comme nous allons maintenant le voir, que renverser les schémas alors<br />

universellement partagés.<br />

1<br />

Victor Vétault, Étude médico-légale sur l’Alcoolisme, des conditions de la responsabilité au point de vue pénal<br />

chez les alcoolisés, Librairie J.-B. Baillière et Fils, 1887, p. 43.<br />

2<br />

Id., p. 13.<br />

3<br />

Voir OC II, p. 235.<br />

4<br />

Dominique Kalifa, L’encre et le sang, Récits de crimes et société à la Belle Époque, Fayard, 1995, p. 122.<br />

Voir notamment A. Lacassagne, « Des attentats à la pudeur et des viols sur les petites filles »,<br />

Archives d’anthropologie criminelle, 1886, p. 59-68 et Anne-Marie Sohn, « Les attentats à la pudeur sur<br />

les fillettes en France (1870-1939) et la sexualité quotidienne », Mentalités. Violences sexuelles, Imago,<br />

1989, p. 71-111.<br />

5<br />

Dominique Kalifa, op. cit., p. 121.<br />

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