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1. Francisque Sarcey (1827-1899) fut critique dramatique au Temps de 1867 à sa mort, journaliste<br />

et auteur dramatique.<br />

Ce représentant d’une critique traditionnelle fut conspué par de très nombreux auteurs<br />

appartenant à la génération de Jarry pétrie d’idéalisme schopenhauerien. Sarcey, le « pauvre vieux<br />

cheval de manège », selon Gourmont (dans « Les contemplatifs »), « qui, toute une vie, tourna en<br />

rond, les yeux bandés ! 1 », fut « le mégathérium gigantesque de l’irréceptivité intellectuelle 2 » à qui<br />

on a, selon Laurent Tailhade, « abandonn[é] » la critique 3 . Son « crâne », note Armory, « faillit être<br />

scalpé par les partisans d’Ubu 4 ».<br />

À travers lui, c’est l’aspect consensuel de son goût se voulant uniquement prolongement du<br />

goût du public qui est décrié : « Écrire une pièce en cinq actes, / Ou simplement en quatre, / Si<br />

belle, / Que, suivant de Sarcey les sagaces préceptes, / Jamais l’on n’en verrait descendre la<br />

recette / Au-dessous de sept mille ou de six mille sept [...] 5 », raille Franc-Nohain dans « Petit<br />

poème didactique ». Comme l’écrit Gustave Kahn dans sa préface de Le Semeur d’idéal d’Albert<br />

Fua, dont Jarry rend compte : « On a beaucoup raillé Sarcey, cet endormi qui se réveillait<br />

brusquement, en marmottant « la pièce fera de l’argent » ou « la pièce ne fera pas d’argent » et<br />

retombait dans sa somnolence hantée de chiffres en rêve... 6 »<br />

Sarcey incarne l’indissolubilité des liens, pour cette génération d’écrivains rêvant à une scène<br />

toute mentale (ce rêve d’une scène mentale ne se déploierait pas autant si, comme le note<br />

Gustave Kahn, « le théâtre accueillait largement des œuvres hautes, s’il s’ouvrait à l’auteur, à son<br />

heure et non à celle de l’impresario, si toute l’optique actuelle du théâtre n’était cruellement<br />

basse 7 »), entre bourgeoisie, démocratie et théâtre, Sarcey louant certes à travers les pièces leur<br />

propension à être populaires mais provoquant également, de par ses critiques appréciées par le<br />

public – lues à travers le prisme de sa célébrité –, lorsqu’elles sont élogieuses, l’affluence (relative)<br />

de la foule dans les salles.<br />

Remarquons ainsi que Jarry, par le biais de ce compte rendu, enracine une filiation, comme il<br />

le fait lorsqu’il parle en termes acerbes de Loti, également tête de turc de nombreux auteurs<br />

appartenant à cette génération (voir la réaction de Gourmont, véritable figure tutélaire admirée de<br />

celle-ci, à l’égard de cet auteur), d’Émile Faguet ou, ce qui est encore plus manifeste, de Zola (voir<br />

1<br />

Remy de Gourmont, La culture des idées, préface de Charles Dantzig, Robert Laffont, collection<br />

Bouquins, 2008, p. 412.<br />

2<br />

Le Mercure de France, n° 53-56, tome XI, mai-août 1894, p. 98.<br />

3<br />

Le Mercure de France, n° 19-24, tome III, juillet-décembre 1891, p. 183.<br />

4<br />

Armory, 50 ans de vie Parisienne (Souvenirs et Figures), Jean-Renard, 1943, p. 142.<br />

5<br />

Franc-Nohain, Chansons des Trains et des Gares, La Revue blanche, 1899, p. 177-178.<br />

6<br />

Albert Fua, Le Semeur d’idéal, Bibliothèque de « la Plume », 1901, p. 17.<br />

7 Ibid.<br />

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