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« Il est stupide de commenter soi-même l’œuvre écrite [...] 1 », écrit Jarry dans Les Minutes,<br />

rejoignant Gide qui note dans sa « préface pour une seconde édition du Voyage d’Vrien », insérée<br />

dans Le Mercure de France en 1894 : « Je n’aime pas expliquer un livre ; un livre étant déjà lui-même<br />

l’explication d’une pensée ou d’une émotion. 2 »<br />

Cette remarque s’étend en réalité pour Jarry à tout commentaire, même si dans sa<br />

bibliographie de Plusieurs choses de Paul Fort il avance : « Première amie aux beaux yeux simples, un<br />

mot du livre, le nom peut-être du cœur du livre 3 ».<br />

Ainsi, dans son compte rendu de la représentation de Solness le constructeur, drame d’Henrik<br />

Ibsen, précédée d’une conférence de Camille Mauclair au Théâtre de l’Œuvre, l’auteur de<br />

« Filiger » énonce : « […] il est absurde d’analyser Solness ou d’expliquer ce que chacun sait d’après<br />

maintes études connues : l’identité d’Ibsen et de son constructeur d’églises [...] 4 ».<br />

L’ampleur de cette remarque jarryque s’affirmant avec prestance sous une forme très<br />

tranchée doit toutefois être nuancée par le fait qu’il ne s’agit pas là de la formulation d’une<br />

conception personnelle ; Jarry ici rejoint en tout point le propos de Mauclair (néanmoins la<br />

formulation de l’auteur des Minutes indique bien que celui-ci abonde en ce sens) puisque l’auteur<br />

du Soleil des Morts énonce au cours de cette conférence : « Je dois vous parler présentement de<br />

Solness le Constructeur, le dernier drame de Henrik Ibsen. L’annonce du spectacle, votre attente et<br />

mon contentement m’y engagent. Mais comme je relisais récemment l’œuvre que vous êtes venus<br />

voir, j’ai découvert en mon sujet même une difficulté presque insurmontable : c’est que la beauté<br />

essentielle de cette aventure de l’architecte Solness est de n’admettre point de commentaire. 5 » Et<br />

Mauclair de conclure : « Si quelque chose est supérieure à une glose, c’est l’œuvre qu’elle<br />

accompagne. 6 »<br />

4. 5. 3. Infériorité patente du commentaire vis-à-vis de l’œuvre commentée.<br />

Ce topos que véhicule Mauclair tient au fait que les critiques symbolistes considèrent la<br />

« création comme la mise à jour d’un mystère, comme l’expression particulière et unique de ce<br />

qui, jusque là, était silence » : s’ils constatent « que la critique partage ce cheminement vers la<br />

conscience par le langage », ils considèrent qu’elle « le fait dans un deuxième temps, après cette<br />

cristallisation particulière qu’est l’œuvre d’art. Elle est une parole qui se greffe sur une parole qui<br />

1<br />

OC I, p. 173.<br />

2<br />

Le Mercure de France, n° 57-60, tome XII, septembre-décembre 1894, p. 354.<br />

3<br />

OC I, p. 1008.<br />

4<br />

Id., p. 1009.<br />

5<br />

Le Mercure de France, n° 53-56, tome XI, mai-août 1894, p. 16.<br />

6 Ibid.<br />

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