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littérature exceptée, participe tout entre les genres d’écrits contemporains. 1 » Comme l’écrit<br />

Jacques Rancière dans son article intitulé « La rime et le conflit », précepte mallarméen qui a<br />

nourri toute la génération de Jarry, « [c]e qui s’oppose au numéraire de la foule, au langage que la<br />

foule traite comme le denier de César, c’est un état du langage qui témoigne d’un autre état de la<br />

même foule, un état lié à la présence sensible de la parole qui se donne sa propre manifestation. 2 »<br />

D’où le recours (vécu comme obligatoire) à la poésie : « l’essence de la poésie est d’être un<br />

mode spécifique, un mode originaire du langage : un verbe, si l’on veut, en entendant bien que le<br />

verbe n’est pas la parole qui se mire en elle-même, mais au contraire la parole qui s’atteste en<br />

manifestant son corps de vérité et fonde par là même un peuple 3 ».<br />

En outre la poésie telle que déployée par Jarry dans Les Minutes ou César-Antechrist est-elle le<br />

lieu où l’art cesse « de se produire comme signe », comme l’écrit Jean-Michel Le Lannou. C’est le<br />

lieu où apparaît « l’exigence de dé-signification. […] C’est en [la poésie] que la puissance de l’art,<br />

ici de la parole, se libère d’abord. Qu’y découvrons-nous ? L’exigence la plus forte de contester,<br />

dans le langage même, la représentation et la domination du sens. Dans la poésie, l’aspiration à la<br />

sortie du signe s’énonce comme « purification ». Qu’est-elle en effet, si ce n’est la lutte contre la<br />

tendance spontanée de la parole au réalisme, c’est-à-dire au « reportage » ? Qu’est la poésie si ce<br />

n’est la purification de la parole ? 4 »<br />

Les écrivains qui œuvrent pour la presse ou même les revues ne sont-ils pas accusés de<br />

rompre ce principe qui est presque un dogme en pactisant avec la foule par ailleurs haïe, honnie ?<br />

Car « les journalistes, qui semblent diriger l’opinion publique, la subissent » en réalité. Ils sont « la<br />

parole de l’opinion, avec laquelle, par une sorte de mimétisme psychologique, ils se confondent 5 »<br />

affirme Jean de Gourmont.<br />

De plus leur fréquentation des journaux n’est-elle pas prétendument à même de pouvoir<br />

irrémédiablement transformer leur style, le façonnant suivant une platitude de plus en plus<br />

grande, allant jusqu’à assécher les idées présentes dans les phrases, du fait de la réalité indéfectible<br />

de l’ « universel reportage » ? Jean Lorrain écrit par exemple à Georges Casella le 5 avril 1904 :<br />

« Je sens et je déplore non moins amèrement ce que le journalisme m’a fait gâcher et dilapider de<br />

documents et de sensations qui auraient pu être mieux employés 6 ».<br />

1 Mallarmé, Œuvres complètes, II, op. cit., p. 212.<br />

2 Jacques Rancière, « La rime et le conflit », Dir. Bertrand Marchal et Jean-Luc Steinmetz,<br />

Mallarmé ou l’obscurité lumineuse, Hermann, collection Savoir : lettres, 1999, p. 119.<br />

3 Id., p. 120.<br />

4 Jean-Michel Le Lannou, La Forme Souveraine, Soulages, Valéry et la puissance de l’abstraction,<br />

Hermann, collection Hermann philosophie, 2007, p. 50.<br />

5 Le Mercure de France, n° 166-168, tome XLVIII, octobre-décembre 1903, p. 209.<br />

6 Jean Lorrain, Correspondance, La Baudinière, 1929, p. 205.<br />

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