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appréciateur du critique, qui juge que l’ensemble de l’œuvre peut être rendu par le seule biais d’un<br />

fragment choisi, qu’il choisit bien évidemment lui-même.<br />

Aussi n’y a-t-il pas à proprement parler de raccourci mais le « raccourci » tel que l’entend Jarry<br />

témoigne-t-il d’un commentaire porté en creux sur l’œuvre.<br />

Il est révélateur de l’intensité d’un regard singulier – chevillé à une sensibilité – porté sur une<br />

œuvre émanant de l’altérité jusqu’à ce que celle-ci soit niée, d’une certaine manière, puisque le<br />

choix du critique (poser des fragments de l’œuvre comme jalons qui prétendument sont en<br />

mesure de permettre de reconstituer toute l’œuvre, ainsi que le proclame, à diverses reprises, Jarry<br />

dans son œuvre, qu’elle ait trait aux chroniques, aux ouvrages publiés, ou à la correspondance,<br />

dans son œuvre prise ainsi dans toute sa tessiture, ce qui permet de rendre immédiatement<br />

apparente l’extrême importance de cette conception pour l’auteur de Messaline) est proclamé<br />

implicitement comme étant le choix de l’auteur du livre chroniqué, étant donné le fait que Jarry<br />

sous-entend bien (et avec force) qu’il s’agit avec des « jalons » de reconstituer le tout et non de<br />

proposer une dynamique d’ensemble autre. Autrement dit, le critique, dont le regard procède par<br />

découpages, se substitue à l’auteur – puisqu’il recompose l’unité de l’œuvre, même en creux, en<br />

laissant entendre qu’il en distingue les aspects suffisamment révélateurs et importants pour que<br />

tous les autres y soient annexés –, en proclamant justement qu’il ne s’agit pas de sa propre<br />

recomposition mais que celle-ci révèle au plus profond les choix de l’auteur.<br />

4. 4. 8. 3. But avoué de la critique : signaler ce qui mérite de l’être.<br />

En second lieu, si avec la brièveté du compte rendu qu’il déplore pourtant amèrement le<br />

critique ne rompt nullement avec l’exigence de sa pratique, c’est parce que, – et plus<br />

immédiatement encore –, « signaler » simplement à l’attention du lectorat un livre qui mérite de<br />

l’être demeure bien souvent l’ambition affichée de la critique littéraire, même lorsqu’elle concerne<br />

des ouvrages appartenant au strict domaine de la littérature. La formule présente dans Le Mercure<br />

de France dès 1892 : « Un beau livre ; un bon livre à signaler 1 » est en cela révélatrice de cette<br />

démarche.<br />

Charles Merki, l’un des critiques les plus notables du Mercure de France, écrit dans cette revue<br />

en 1893, à l’occasion de son compte rendu de De Scribe à Ibsen, « causeries sur le théâtre<br />

contemporain » de René Doumic (Paul Delaplane) : « Tout notre rôle, en somme, dans<br />

l’encombrement lamentable de la librairie, n’est-il pas d’appeler l’attention sur les douze ou<br />

quinze volumes de l’année qui dénotent un tant soit peu de talent et de conscience, et sans viser<br />

1 Le Mercure de France, n° 25-28, tome IV, janvier-avril 1892, p. 172.<br />

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