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de ses contemporains, à tourner la science en dérision : « Diomède vérifia la date du livre. –<br />

Mauvais… Trois ans… La Science marche… Une édition nouvelle a paru… 1 »<br />

En outre, que la vérité ne soit pas d’emblée présente signifie que potentiellement une<br />

multiplicité de vérités peuvent s’entrecroiser, au sein même de la communauté scientifique, dans<br />

l’attente d’un discours unificateur émanant de la science qui serait en mesure de se prononcer<br />

précisément, sans marge d’erreur, sur ce qu’est le vrai, notion ne pouvant qu’être irréductible<br />

c’est-à-dire devant pouvoir être le criterium sur lequel puisse se fonder toute appréciation en ce<br />

qui concerne l’ensemble des disciplines, même en expansion, à quoi se résume la science.<br />

Gourmont écrit ainsi dans Les Chevaux de Diomède, ouvrage paru en 1897 au Mercure de France :<br />

« Toutes les sciences se contredisent et toutes les croyances s’accumulent. 2 »<br />

Comment, de ce fait, accorder la moindre importance à la vérité, fût-elle multiple, ainsi que le<br />

constate Jarry dans sa spéculation intitulée « La Vérité bouffe » en énonçant, ainsi que nous<br />

l’avons déjà rappelé, qu’ « [i]l y a quantité de vérités » ?<br />

Jarry en notant que « [l]a vérité est ailleurs » donne voix à « La dissociation des idées » de<br />

Remy de Gourmont : « La plupart des vérités qui courent le monde (les vérités sont très<br />

coureuses) peuvent être regardées comme des lieux communs, c’est-à-dire des associations<br />

d’idées communes à un grand nombre d’hommes et que presque aucun de ces hommes n’oserait<br />

briser de propos délibéré. 3 »<br />

La visée de Jarry sera justement de briser toutes les vérités scientifiques, concernant l’alcool,<br />

les principes édictés par l’hygiénisme comme quoi l’excès est nocif etc., ce dans ses chroniques,<br />

ses comptes rendus ou dans ses œuvres romanesques (comme Le Surmâle) ou poétiques, l’auteur<br />

de La Chandelle verte cherchant à montrer, dans la lignée de Gourmont, que ce ne sont que des<br />

lieux communs, et ce, peut-on penser, afin de placer le lecteur dans une posture de faiblesse, ainsi<br />

que le constate, là encore, Remy de Gourmont : « Privés de la vérité des lieux communs, les<br />

hommes se trouveraient sans défense, sans appui et sans nourriture. 4 »<br />

Pourquoi cette faiblesse est-elle recherchée, et pourquoi Jarry cherche-t-il à l’inoculer au<br />

lecteur, véritable poison détruisant les faux-semblants qui semblent (ne font que sembler pour<br />

l’auteur de Messaline) vérités indétrônables ?<br />

Le constat comme quoi il n’est qu’une multiplicité de vérités (lesquelles, de ce fait, ne<br />

peuvent plus être nommées ainsi, perdant leur statut autant que leur réalité) amène à une<br />

1<br />

Remy de Gourmont, Les Chevaux de Diomède, Société du Mercure de France, 1897, p. 192<br />

2<br />

Ibid.<br />

3<br />

Remy de Gourmont, « La dissociation des idées », La culture des idées, préface de Charles Dantzig,<br />

Robert Laffont, collection Bouquins, 2008, p. 47-48.<br />

4<br />

Id., p. 48.<br />

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