30.06.2013 Views

thèse

thèse

thèse

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

qu’il met tout de suite en avant : « Plusieurs choses, par Paul Fort, ourdies, comme l’une d’elles<br />

s’avoue, du noir, blanc, rouge et bleu des tapisseries [...] 1 ».<br />

Est-ce un hasard (façon de signifier alors également l’unité de son œuvre critique et littéraire)<br />

si dans ce compte rendu blanc et rouge sont accolés, exactement comme ce sera le cas dans le<br />

premier vers de « La Peur », lequel sera répété à la façon d’un refrain comme d’autres, afin de<br />

donner au poème l’allure d’une chanson populaire, issue du folklore (le folklore étant la<br />

dimension dans laquelle s’enracine la picturalité de Munthe dans la série d’aquarelles intitulée<br />

Contes de fées), façon également de redoubler la dimension populaire induite par la mention des<br />

couleurs renvoyant inéluctablement aux images d’Épinal ?<br />

En réalité, ce blanc et ce rouge, présents dans le compte rendu (ainsi du reste que les autres<br />

couleurs mentionnées), ne sont pas de Jarry mais bien de Paul Fort lui-même (comme l’atteste<br />

d’ailleurs Jarry, à travers la formulation : « comme l’une d’elles s’avoue »), puisque le poème<br />

intitulé « L’œuvre anonyme » voit sa dédicace (« à P.-A. Hirsch ») immédiatement suivie de cette<br />

formule : « (Pour trois tapisseries en noir, blanc, rouge, bleu). 2 »<br />

Or, Jarry était très attentif à l’œuvre de Hirsch, qu’il admirait, comme le prouve la dédicace<br />

apposée sur l’exemplaire d’Ubu Roi qu’il lui réserve : « [e]xemplaire destiné à glorifier […]<br />

Hirsch 3 ».<br />

Ainsi ce poème de Paul Fort est-il dédié « à P.-A. Hirsch [p]our [...] », Jarry réutilisant cette<br />

formule dans Les Minutes en ce qui concerne les poèmes qu’il consacre à Munthe (comme il le fait<br />

du reste pour Gauguin) – à savoir les « Tapisseries » – en inversant la place du « pour »,<br />

conservant le terme « tapisseries » pour le titre même de la série.<br />

Hirsch ne semble pas être un écrivain qui soit également l’auteur de tapisseries : ces dernières<br />

semblent être plus certainement des poésies qualifiées ainsi métaphoriquement pour qu’un<br />

cousinage soit manifesté en profondeur avec la picturalité, ce qui se faisait alors souvent.<br />

Jarry néanmoins gardera le terme « tapisseries » dans son sens premier (ce qui est la volonté<br />

de Paul Fort lui-même puisque ce dernier met uniquement en avant les couleurs propres à<br />

l’univers de Hirsch) et retiendra cette alliance entre l’écrivain et la picturalité en la mettant en<br />

œuvre comme Fort (puisqu’il s’agit également pour ce dernier d’écrire une prose poétique à partir<br />

de ces « tapisseries » aux couleurs franches, fussent-elles en réalité des poèmes).<br />

Du reste, l’on ne peut qu’établir des liens entre Plusieurs choses et les « Tapisseries » de Jarry,<br />

puisqu’il apparaît que Paul Fort dans ce recueil s’est voulu entièrement tourné vers Le Mercure de<br />

1 Id., p. 1008.<br />

2 Paul Fort, Plusieurs choses, Librairie de l’Art indépendant, 1894, p. 11.<br />

3 Dédicace citée par Edouard Graham, Passages d’encre, échanges littéraires dans la bibliothèque Jean<br />

Bonna, envois, lettres et manuscrits autographes, 1850-1900, Gallimard, 2008, p. 490.<br />

144

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!