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fait-il que je ne l’entende pas ? Je l’entends bien d’une certaine manière ; car si je n’entendais rien<br />

ma perception serait égale à 0 ; et des 0 additionnés font t[ou]jours 0. J’entends donc ce bruit sans<br />

l’entendre ; j’en ai la perception inconsciente. 1 »<br />

Par ce renversement en ce qui concerne la perception commune théorisée par Fechner puis<br />

par Bergson, Faustroll apparaît ainsi (d’abord aux yeux de Jarry puis, de fait, à ceux des lecteurs –<br />

encore cette perception est-elle amoindrie par la non-connaissance forcée de la source de la<br />

pensée jarryque) comme un « Surmâle », reprenant à son compte la définition du génie selon<br />

Jarry, c’est-à-dire comme un homme obéissant à des principes divins lesquels émanent tous de sa<br />

seule intentionnalité (devenant ainsi en lui-même un principe divin, de facto, puisque le divin prend<br />

sa source en l’humain présent en lui – pour le colorer entièrement de son emprise –, c’est-à-dire<br />

en la volonté : « pour moi [...] pour moi [...] 2 »), en somme comme un « Dieu » à la façon<br />

d’Emmanuel Dieu, – et du reste affirmera-t-il : « Je suis Dieu » dans le chapitre « Du bois<br />

d’Amour ».<br />

Puisque Faustroll fut l’un des doubles de Jarry (celui-ci ira jusqu’à signer du nom autorisé de<br />

« docteur » Faustroll son « Commentaire » paru au Mercure de France), ce personnage exprime par<br />

ce biais la toute-puissance de l’auteur qui annule de facto une nouvelle fois l’utilité du critique<br />

lequel ne peut que tenir la posture de quelqu’un qui cherche à capturer quelque chose du<br />

spectacle grandiose de l’œuvre (c’est pour cette raison que les ouvrages de Jarry travaillent<br />

souvent au corps la question de la performance comme le fait de façon exemplaire Le Surmâle),<br />

benoîtement, sans possibilité de jugement.<br />

Est-ce à dire que Jarry, reprenant l’idée selon laquelle l’œuvre écrite est comparable aux<br />

productions de la nature, se défait in fine dans le même temps de la conception de l’auteur comme<br />

être ainsi plongé dans un état de passivité face au principe constitutif de son génie, principe actif<br />

qui aurait cours par-delà toute intentionnalité possible de l’auteur, lequel ne serait en somme que<br />

l’instigateur, doué de passivité, de forces qui le dépassent ?<br />

Que l’œuvre soit bien le fruit de la toute-puissance et ainsi semble naître de l’intentionnalité<br />

de son auteur et qu’elle puisse dans le même temps lui échapper totalement, cela ne revient<br />

nullement à nier cette toute-puissance propre à l’auteur : celle-ci devient alors toute-puissance de<br />

son idiosyncrasie, qui échappe elle-même entièrement au vouloir et n’en est que plus puissante<br />

car elle peut s’exprimer indépendamment des contingences qui permettent à l’acte d’écrire<br />

d’advenir en organisant les conditions minima de son apparition.<br />

1 Cours Bergson, op. cit., p. 113.<br />

2 Bouquin, p. 516.<br />

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