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Cette réunion ou superposition dans un même cadre des éléments primordiaux du texte, des<br />

symboles 1 qui en constituent la trame secrète et seule intéressante suivant la doctrine idéaliste,<br />

permet au lecteur de les faire interagir entre eux, et d’additionner leur sens, de les multiplier, et<br />

non d’être simples spectateurs. La dimension créatrice de la lecture est ainsi mise en avant 2 , les<br />

différents sens se superposant, s’entremêlant, ne se succédant pas au gré de la lecture.<br />

1 Nous prendrons comme exemple un dessin à la plume, conservé par Jarry dans ses papiers (voir<br />

la figure 4, p. 999 de cette édition critique et commentée ; c’est la planche 37 de l’ouvrage de<br />

Michel Arrivé). Les motifs de ce dessin permettent de le rattacher à la Ballade du vieux Marin,<br />

traduction que fit Jarry du poème de Coleridge. L’on retrouve divers éléments du poème, parmi<br />

lesquels on nommera en premier lieu les blocs de glace, « [d]échiquetés en ailes d’oreillards ».<br />

L’intrigue ? Un albatros a été tué par le vieux marin. La flèche de l’arbalète qui a servi à tuer<br />

l’oiseau est figurée. L’oiseau est représenté schématiquement par ses ailes, le vieux marin par un<br />

crâne (« il regarde comme un squelette » est-il écrit dans la traduction de Jarry), qui sert également<br />

à compléter la représentation de l’oiseau, puisque le crâne demeure le symbole de la mort le plus<br />

immédiat. Un trait symbolise les mâts sur lesquels, « [d]urant neuf soirées », l’Albatros « se percha<br />

[c]omme sur une branche ». Le bateau est symbolisé par l’encre (remarquons un jeu de mots<br />

possible), et le reflet de l’encre dans l’eau est aussi croissant de lune et symbolise donc le vol de<br />

l’oiseau, puisque ce dernier est qualifié de « vol lunaire ». Pourquoi cette qualification ? Durant<br />

toutes les nuits où l’oiseau s’est perché sur les mâts ou haubans, il y a eu « un clair de lune<br />

étincelant ». Le croissant est donc, en sus de l’ombre de l’encre, un rappel tenace de la présence<br />

de l’oiseau, contredisant la réalité de sa mort, comme si ce dernier hantait toujours le bateau<br />

auquel il était rattaché (puisque l’encre symbolise le bateau). En tuant l’Albatros, le marin a chassé<br />

le brouillard que l’oiseau avait amené avec lui, et qu’il avait fait durer autour de la présence du<br />

bateau. Alors « apparut à l’horizon le Soleil de feu ». C’est ce Soleil que Jarry a figuré. Apparaît<br />

ensuite le bateau squelette, bateau fantôme, et les ailes reliées au crâne de l’oiseau sont dotées<br />

d’un surplus de sens : elles symbolisent aussi les voiles du bateau squelette. « Sont-ce ses voiles,<br />

ces choses en mouvement / De danse lente / Sur le Soleil comme des filaments / De plante ? »<br />

(« Ces voiles toutes blanches, / Comment Minces et fanées. / Je n’en vis point de telles, malgré<br />

mes années. ») En outre, troisième signification, le crâne représente, de par l’inscription « life in<br />

death » (« Je flotte vers le ciel en banderole, Esprit céleste »), Vie en la mort, c’est-à-dire le<br />

personnage mythique qui gagne le vieux marin en jouant aux dés avec la mort. De ce personnage<br />

mythique, Jarry a retenu la peau blanche, mais n’a pas figuré la chevelure d’or (« Ses regards sont<br />

hardis, sa bouche rouge. / Dans le vent bouge Sa chevelure jaune d’or, Et comme d’un lépreux<br />

luit sa peau blanche. C’était ce cauchemar dont l’avalanche Gèle et rendort Le sang humain, Vie<br />

en la mort. »)<br />

2 Voir la figure 5, p. 1000 de cette édition critique et commentée (c’est la planche 18 de l’ouvrage<br />

de Michel Arrivé). Bois de 95 * 103 mm, publié dans l’édition originale des Minutes, feuillet tiré en<br />

vert foncé quelque peu bleuâtre. Ce bois représente une croix des cimetières (« Croix des<br />

cimetières, levons nos bras raides pour prier là-haut que l’on nous délivre de ces ouvriers qui<br />

piochent sans trêve nos froides racines. ») Ces ouvriers sont symbolisés par la présence de l’oiseau<br />

perché. L’oiseau figuré est également « le corbeau qui […] croasse l’injure au bon Saint courbé :<br />

Vieux Saint-Accroupi ». Sous « la croix des cimetières », est représenté « le bloc de granit perdu<br />

dans un coin de [son] domaine ». Le Saint Accroupi est recouvert de pierre, de la houle de pierre,<br />

ce qui le rend invisible. Son « honorable siège », qui fait de lui un « grand Saint », est un « beau<br />

bénitier ». Ce « bénitier » est figuré, à l’envers, sous la croix. Sans nom, dans un coin tapi, ignoré<br />

des hommes, ce saint accroupi se dérobe au regard. Seules les Croix blanches, dont une seule est<br />

représentée, lui tendent la plainte de leurs bras dressés. Les tombes sont peuplées de serpents<br />

coupés. Un de ces serpents est figuré, prenant naissance par la racine. L’injonction proférée par<br />

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