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L’être aimé devient le double, comme ce fut le cas avec Léon-Paul Fargue, leur « liaison »<br />

durant « jusqu’à fin 1894 environ 1 ». Jarry fait « allusion à Fargue en divers endroits de son drame<br />

« Haldernablou » 2 », comme nous l’avons déjà évoqué, pièce qui semble dresser le constat d’une<br />

fusion impossible (« Haldernablou » paraît bien en 1894, au sein des Minutes). Dans la scène III, le<br />

« duc Haldern », double de Jarry, prononce ainsi ces paroles définitives à « son page » Ablou,<br />

double de Fargue : « Nous irons chacun de notre côté, nous irons chacun de notre côté », criant<br />

ailleurs « Va-t’en ! », ce à quoi Ablou répond simplement : « Adieu ».<br />

Fargue dans Vulturne fait référence à ce drame et plus particulièrement à ces passages,<br />

écrivant au sein du poème « Réveil » : « Ne nous quittons pas ! Criait-il. […] Je sentais rentrer en moi<br />

mon double. 3 » L’on est sûr que Fargue fait explicitement référence à l’auteur de César-Antechrist car,<br />

peu avant, l’auteur du Piéton de Paris amasse les références directes à l’œuvre de Jarry (que l’on a<br />

soulignées) : « – Voilà donc la sphère, la forme parfaite ? 4 – Vous êtes donc une femme, une ogresse,<br />

une vieille vierge ? – S’apercevoir de la virginité de sa mère ! 5 – Pfff ! – À moi, mes amis ! On déserte<br />

Dieu ! – A privatif ! Adieu ! – Vite ! Il y a encore un passage ! – Pii-ouitt ! 6 – Eh bien, eh bien,<br />

maître fou ? – Ferma ta chasse ! – Assez de licences poétiques ! – Assez d’injures qui sont de<br />

l’amour ! 7 – La paix ! – Ne nous quittons pas ! – Ne nous quittons pas ! 8 »<br />

Si, idée que reprendra ainsi des années plus tard Fargue, l’être aimé est bien le « double »<br />

distinct du soi de celui qui aime autant que contenu en lui (ambiguïté que pointe Fargue et qui<br />

rend, en fin de compte, l’effectivité du sentiment amoureux à jamais inactualisable), idée que<br />

développe Jarry dans « Adelphisme et nostalgie » au sein des Jours et les nuits, c’est parce que la<br />

communauté d’âmes – qu’est, que se veut l’amour pour Jarry – proclame l’identité du Même en<br />

développant le goût commun. Ainsi que l’écrit Fargue à Jarry, de Cobürg, le 5 Mai 1893 :<br />

« Continue comme tu m’as promis, à m’entretenir de ce que nous aimons 9 » ; le « nous » qui fait<br />

place au « j’ » est ici parlant.<br />

1 Jean-Paul Goujon, Léon-Paul Fargue poète et piéton de Paris, Gallimard, 1997, p. 40.<br />

2 Ibid.<br />

3 Léon-Paul Fargue, Epaisseurs suivi de Vulturne, préface de Jacques Borel, Gallimard, collection<br />

Poésie / Gallimard, 1971, p. 148.<br />

4 Allusion à cette formulation de Jarry : « la forme d’un corps parfait, qui est […] la sphère » (OC<br />

I, p. 796).<br />

5 Allusion à l’épigraphe du troisième chapitre de L’Amour absolu : « S’apercevoir que sa mère est<br />

vierge ! »<br />

6 Allusion au « Mouss’ de la Pi-ouit » inséré dans La Dragonne.<br />

7 Allusion à « Haldernablou ».<br />

8 Léon-Paul Fargue, op. cit., p. 147.<br />

9 L’Étoile-Absinthe, 43°, 44° et 45° tournées, Castelnau de Montmiral, Société des amis d’Alfred<br />

Jarry, 1989, p. 21.<br />

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