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« [C’est] un effet de ce progrès fameux […] de [la] science […] que [l]e fait si éloquent d’un<br />

remède » est « lui-même une formidable maladie […] 1 ».<br />

Dans sa chronique intitulée « La légende du poison » parue dans La Plume du 1 er février 1903,<br />

Jarry écrit : « Le poison est simplement, pour le corps humain, l’inattendu. » Qu’il y ait plusieurs<br />

bouteilles au sein de l’évocation de cette halte des protagonistes dans leur course vers le record<br />

par le biais de la sexualité signifie clairement que Marcueil boit une grande quantité d’alcool. Dans<br />

sa spéculation « La légende du poison », Jarry avance ensuite : « Les savants mêmes, ainsi que<br />

l’ont prouvé les récents travaux sur l’alcool, s’obstinent à appeler poison un aliment tant qu’il<br />

n’est point encore officiellement catalogué au codex de leur routine. »<br />

Par cette assimilation de l’alcool à un aliment, Jarry fait référence à un épilogue de Remy de<br />

Gourmont : « […] naguère, l’alcool était encore regardé comme une sorte de nourriture, un<br />

« aliment d’épargne », et voilà qu’il est devenu le Maudit 2 », mais fait aussi allusion à un débat qui<br />

occupa la médecine au début du vingtième siècle, comme le rappelle la Revue universelle en 1903,<br />

dans la section « Hygiène et médecine » : « L’alcool est-il un aliment ? – Grande a été l’émotion<br />

parmi les hygiénistes lorsque, au commencement de l’année 1903, parut dans les Annales de<br />

l’Institut Pasteur, sous la signature autorisée de M. Duclaux, un article ayant pour titre : « L’alcool<br />

est-il un aliment ? » et concluant, dans une certaine mesure, par l’affirmative. Quelques-uns<br />

n’étaient pas loin d’accuser l’éminent directeur de l’institut Pasteur, l’auteur de L’Hygiène sociale, de<br />

pactiser avec les distillateurs […] 3 ». La plupart des voix scientifiques s’accorderont néanmoins à<br />

nier in fine ce fait, comme le résume Emile Vandervelde, citant un propos du docteur Kassowitz<br />

qui proclame « que l’alcool ne possède aucune valeur nutritive […] 4 ».<br />

Mais l’alcool est bien davantage, pour Jarry, qu’un aliment. Il devient (dans Le Surmâle<br />

principalement mais également de façon récurrente dans toute l’œuvre de Jarry) l’aliment absolu 5 ,<br />

celui qui permet à l’homme de s’affranchir de sa condition physique, de hisser son corps au-<br />

dessus de ses capacités, en somme d’oublier ses limites pour se propulser dans un absolu de l’être.<br />

Il est un formidable moteur (d’infini), en somme tout le contraire de ce qu’il est censé être. Ainsi,<br />

Jarry ne s’exclue nullement des préoccupations de son temps mais les détourne, développant, –<br />

1<br />

Péladan, La Décadence latine, éthopée [X], Le Panthée, couverture de Séon, vernis mou de Knopff,<br />

E. Dentu, 1892, p. 236-237.<br />

2<br />

Remy de Gourmont, « Les cris de Paris », La culture des idées, préface de Charles Dantzig, Robert<br />

Laffont, collection Bouquins, 2008, p. 500.<br />

3<br />

Revue universelle, Librairie Larousse, 1903, p. 152.<br />

4<br />

Emile Vandervelde, Essais socialistes, L’alcoolisme – La religion – L’art, Félix Alcan, 1906, p. 36.<br />

5<br />

L’expression « alcool absolu » se trouve dans la Revue universelle (op. cit.).<br />

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