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VI. LA CRITIQUE VÉCUE, « SAUVÉE » PAR JARRY COMME MODULATION<br />

DE SON GOÛT POUR L’ÉRUDITION ?<br />

1. Jarry face à la vulgarisation.<br />

1. 1. Mépris affiché pour la vulgarisation.<br />

Le choix de chroniquer Eléments d’économie politique pure dans La Revue blanche du 1 er janvier<br />

1901 paraît très surprenant.<br />

Cette lecture extrêmement singulière est principalement à rapprocher de celle que fait Jarry de<br />

la communication pointue de Pierre Apéry au XIII° Congrès international de médecine. Elle<br />

affirme en force une volonté présente chez l’auteur de Messaline de se tenir dans une position<br />

d’érudition, en proie à l’extrême précision qu’elle implique forcément.<br />

Ainsi Jarry ne donne-t-il nullement écho au propos de Walras qui n’est pas strictement<br />

scientifique, et contre lequel il aurait pu s’opposer avec fracas, étant donné que Walras soutient<br />

dans cet ouvrage l’affirmation selon laquelle les « criteriums respectifs » de « la science, l’art et la<br />

morale » sont « le vrai, l’utile ou l’intérêt, et le bien ou la justice 1 ».<br />

L’auteur de Messaline aimait à répéter qu’il ne lisait jamais de « manuels vulgarisateurs 2 » –<br />

Almanach illustré du Père Ubu (1901) –, pour les mêmes raisons que celles qui le poussaient à ne pas<br />

« regard[er] l’Exposition » Universelle et à ne pas prendre « l’omnibus 3 », ou encore à refuser<br />

catégoriquement la réforme orthographique, en somme par opposition en force à la<br />

démocratisation montante, aux principes qui cherchaient alors à niveler la culture « pour la cause<br />

de l’enseignement civilisateur », pour reprendre la formulation d’Alexandre Ular 4 .<br />

Inculquer des connaissances au grand public devient une priorité, pour les éditeurs et les<br />

auteurs qui acquièrent une « nouvelle responsabilité morale 5 », étant donné la façon dont,<br />

l’analphabétisme décroissant rapidement, « la lecture apparaît comme un facteur de progrès<br />

infaillible », tous croyant de plus en plus à « l’influence des bibliothèques 6 ».<br />

1<br />

Léon Walras, Éléments d’économie politique pure (théorie de la richesse sociale), édité par Pierre Dockès,<br />

Pierre-Henri Goutte, Claude Hébert, Claude Mouchot, Jean-Pierre Potier, Jean-Michel Servet<br />

sous les auspices du Centre Auguste et Léon Walras, Auguste et Léon Walras, Œuvres économiques<br />

complètes, VIII, Economica, 1988, p. 42.<br />

2<br />

OC I, p. 586.<br />

3<br />

Ibid.<br />

4<br />

Alexandre Ular, « Les Mille Nuits et une Nuit », La Revue blanche, tome XIX, mai-août 1899,<br />

Genève, Slatkine Reprints, 1968, p. 161.<br />

5<br />

Christophe Charle, Les intellectuels en Europe au XIX° siècle, Essai d’histoire comparée, op. cit., p. 166.<br />

6<br />

Elisabeth Parinet, « L’édition littéraire, 1890-1914 », Dir. Henri-Jean Martin et Roger Chartier,<br />

en collaboration avec Jean-Pierre Vivet, Le livre concurrencé, 1900-1950, Histoire de l’édition française,<br />

tome IV, Promodis, 1986, p. 154.<br />

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