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s’extraire du « néant de la vie coutumière 1 », de se prémunir de « l’éternel retour du banal et du<br />

coutumier 2 » (L’Androgyne). Ce faisant, Péladan suit la volonté de Nietzsche – telle qu’affichée<br />

dans Le Mercure de France en 1893 – de lutter « contre ce qui depuis des siècles a été sanctifié par<br />

l’usage 3 ». « Tout ce qui enlève l’individu à l’hypnotisme de la vie matérielle et sociale est un<br />

bien… 4 » écrit l’auteur de La Décadence latine dans L’initiation sentimentale, remarque que Jarry<br />

prendra à son compte et dont il fera l’un des moteurs de ses spéculations.<br />

Ces deux livres sur la Gnose sont situés dans l’exacte mouvance qu’a épousée Péladan au<br />

sein de l’éthopée car ils cherchent à montrer, – en pliant comme le fait l’auteur de La Décadence latine<br />

la science aux exigences du surnaturel (ce qu’a reproché Barbey d’Aurevilly à Péladan), volonté<br />

empruntée aux ouvrages de Lévi –, que la science, si elle « nous masque le surnaturel 5 », ne<br />

pouvant être pour autant évacuée à cette époque, sa présence étant trop assourdissante, se tient<br />

(concession faite) dans le domaine de « la vérité » tout comme la foi (« la vérité […] appartient à<br />

la science comme à la foi 6 », professe Lévi).<br />

Certes, il semble que la foi, en cette fin-de-siècle (ce qui n’est certes pas le cas du gnosticisme<br />

s’enracinant ouvertement dans le passé, étant « un ensemble de doctrines mystiques et<br />

philosophiques […] [tenant] une place considérable dans l’histoire intellectuelle et morale des<br />

premiers siècles de notre ère 7 », mais ce qui est le cas, en un certain sens, de la relecture qu’en<br />

offrent les deux auteurs que chronique Jarry – ainsi en est-il de l’irruption de « cartes »<br />

n’apportant guère de sens au propos mais témoignant uniquement d’une volonté partagée par ces<br />

auteurs d’inscrire leur démarche dans une visée ouvertement scientifique), se conforme aux<br />

exigences scientifiques afin de trouver une nouvelle existence, – en ces temps où le scientisme a<br />

remplacé la religion et est devenu la nouvelle orthodoxie –, ce qui, en quelque sorte, est une<br />

question, pour elle, de survie.<br />

Mais en réalité, loin de se conformer aux impératifs scientifiques, la foi au contraire (comme<br />

la poésie pour Jarry avec Faustroll), et c’est particulièrement perceptible en ces deux ouvrages sur<br />

la Gnose, se sert de la science à la manière d’une caisse de résonance : il s’agit non pas de faire<br />

entrer la foi dans les structures de la science mais de déformer celles-ci pour que la foi recueille<br />

1<br />

Péladan, La Décadence latine, éthopée [VIII], L’Androgyne, « couverture de Séon, eau-forte de<br />

Point », E. Dentu, 1891, p. 109.<br />

2<br />

Id., p. 27.<br />

3<br />

Le Mercure de France, n° 37-40, tome VII, janvier-avril 1893, p. 48.<br />

4<br />

Péladan, La Décadence latine, éthopée [III], L’Initiation sentimentale, Édinger, 1887, p. 312.<br />

5<br />

Péladan, La Décadence latine, éthopée [II], Curieuse !, op. cit., p. 125.<br />

6<br />

Eliphas Lévi, Secrets de la magie, I, Dogme et rituel de la haute magie, Histoire de la magie, La clef des<br />

grands mystères, édition établie et présentée par Francis Lacassin, Robert Laffont, collection<br />

Bouquins, 2000, p. 10.<br />

7<br />

GDU, tome 8, p. 1332.<br />

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