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magistratif afin de faire soupape de sûreté quand la justice risquait d’avoir une indigestion<br />

d’injustice. 1 »<br />

6. Paul Magnaud s’est rendu célèbre le 4 mars 1898 par un arrêt du tribunal de Château-Thierry<br />

qui acquittait Louise Ménard, ouvrière au chômage, fille-mère qui s’était rendue coupable de<br />

vol chez un boulanger de Charly-sur-Marne parce qu’elle n’avait rien mangé depuis deux jours. Il<br />

fonde sa décision sur l’état d’absolue nécessité de la prévenue, proclamant « [q]ue l’intention<br />

frauduleuse est encore bien plus atténuée lorsqu’aux tortures aiguës résultant d’une longue<br />

privation de nourriture, vient se joindre comme dans l’espèce, le désir si naturel chez une mère de<br />

les éviter au jeune enfant dont elle a la charge […] 2 ».<br />

C’est cet attendu qui lui vaut le surnom de « bon juge » dans un article que publie Georges<br />

Clemenceau dans L’Aurore du 14 mars 1898. Jarry réitère dans l’Almanach illustré du Père Ubu de<br />

1901 3 ce surnom qui lui restera, à tel point qu’Anatole France intitule « Le bon juge » l’article qu’il<br />

consacre à Magnaud dans Le Figaro à l’occasion de la parution du volume dont Jarry rend compte.<br />

« J’ai là, fait dire Anatole France à un personnage, ses jugements réunis en un petit volume et<br />

commentés par Henry Leyret. Ces jugements, quand ils furent prononcés, indignèrent les<br />

magistrats austères et les législateurs vertueux. […] Et il est vrai que les « attendus » dont<br />

s’appuient les jugements de M. le président Magnaud sont singuliers : car on y rencontre à chaque<br />

ligne les pensées d’un esprit libre et les sentiments d’un cœur généreux. » En effet, après<br />

l’acquittement de Louise Ménard, Magnaud multiplie les arrêts similaires, défendant une<br />

interprétation assez extensive de l’article 64 du code pénal qui donne au juge une assez grande<br />

liberté d’interprétation.<br />

Il cherche constamment en tant que juge à exprimer une empathie qui est seule à même,<br />

selon lui, de donner à la justice son indispensable humanité, comme le résume l’une de ses<br />

formules, citée dans l’article d’Anatole France : « Pour équitablement apprécier le délit de<br />

l’indigent, le juge doit, pour un instant, oublier le bien-être dont il jouit, afin de s’identifier autant<br />

que possible avec la situation lamentable de l’être abandonné de tous. »<br />

177.<br />

Voir Dominique Kalifa, L’encre et le sang, Récits de crimes et société à la Belle Époque, Fayard, p.<br />

Henry Leyret continuera de s’attarder sur les attendus de Magnaud lorsqu’il publiera en 1903<br />

Les Nouveaux Jugements du président Magnaud (Schleicher frères).<br />

1 OC I, p. 587.<br />

2 Original du jugement aux Archives de l’Aisne, fonds du Tribunal de première instance de<br />

Château-Thierry, cote 25 U 61.<br />

3 OC I, p. 587.<br />

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