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« bond », rejoindre une étoile, poussant à son paroxysme le principe développé par Cyrano de<br />

Bergerac (dont l’Histoire des États et Empires du Soleil et l’Histoire des Oiseaux font partie des livres<br />

pairs de la bibliothèque de Faustroll, par l’entremise d’un seul volume regroupant les deux<br />

œuvres) : « Écoutez ce que je vis suspendu sur l’étoile Algol […] – où j’étais monté d’un bond,<br />

pour contempler cette scène reculée dont l’image se perd comme les cercles qui s’éloignent d’une<br />

pierre qu’on jette à travers l’infini liquide […] 1 ».<br />

Jarry se souviendra de ce passage, citant avec précision le numéro de la page de l’édition<br />

originale des Minutes qui le contient en s’y reportant vraisemblablement, dans la lettre qu’il adresse<br />

à Rachilde le 14 novembre 1898, évoquant Lumen de Camille Flammarion : « le Lumen roule sur<br />

une fort vieille histoire scientifique écrite par nous à une page 101 quand nous étions petit 2 ».<br />

Si la lecture de cet ouvrage influencera l’écriture de la chronique « « T’en as, un œil » et<br />

« M’as-tu-vu ? » » parue dans Le Canard sauvage du 11-17 octobre 1903, la formulation jarryque « [l]a<br />

fonction créant l’organe » renvoyant à la phrase de Flammarion : « [l]es organes sont en rapport<br />

avec les fonctions 3 », Jarry, en faisant allusion à la première pièce des « Prolégomènes de<br />

Haldernablou », met surtout en avant la façon dont le livre de Flammarion éclaire l’omniprésence<br />

du regard du narrateur 4 telle qu’elle est relatée par Jarry, la façon dont ce regard parvient à tout<br />

embrasser, au mépris des principes liés à la temporalité et à la vraisemblance qui stipulent que<br />

n’est perceptible pour l’œil humain qu’un pan de l’espace découvert, l’œil étant de fait faillible,<br />

d’où le recours récurrent à cette époque au télescope jusque parmi la bourgeoisie (cette attraction<br />

était alors très en vogue et unanimement vantée par la communauté scientifique), recours que<br />

Jarry nie ainsi en ouverture des Minutes implicitement, renversant ce que dit Maurice Boucher<br />

dans Essai sur l’hyperespace, Le Temps, La Matière et l’énergie : « Nous constatons donc, une fois de<br />

plus, combien nos sensations se meuvent dans d’étroites limites et sont insuffisantes pour rendre<br />

compte des phénomènes de la nature. 5 »<br />

Flammarion écrit ainsi : « Au point de vue de l’ensemble, le présent d’un monde n’est plus<br />

une actualité momentanée qui disparaît aussitôt apparue, ce n’est plus seulement un aspect sans<br />

consistance, une porte par laquelle le passé se précipite incessamment vers l’avenir, un plan<br />

mathématique dans l’espace. C’est, au contraire, une réalité effective qui s’éloigne de ce monde<br />

avec la vitesse de la lumière, et s’enfonçant éternellement dans l’infini, demeure ainsi un présent<br />

1 OC I, p. 211-212.<br />

2 Id., p. 1069.<br />

3 Camille Flammarion, Récits de l’infini. Lumen, histoire d’une comète dans l’infini, Didier, 1873, p. 117<br />

(propos cité par Danielle Chaperon, Camille Flammarion, Entre astronomie et littérature, Éditions<br />

Imago, 1998, p. 130).<br />

4 Voir OC I, p. 211-212.<br />

5 Maurice Boucher, Essai sur l’hyperespace, Le Temps, La Matière et l’énergie, Félix Alcan, 1903, p. 93.<br />

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