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3. 1. 7. Crypter le sens.<br />

L’usage que fait Jarry de la terminologie scientifique, utilisée – de telle sorte que son sens<br />

devienne possiblement multiple, ne s’arrimant à nulle sémantique qui semble fixe étant donné le<br />

contexte souvent poétique où elle se déploie – avec une excessive et souvent fallacieuse<br />

complexité (ainsi que cela est surtout, et de façon extrêmement symptomatique, perceptible dans<br />

Faustroll), doit ainsi être fortement rapproché de celui qu’il fait de certains mots à l’obscurité<br />

manifeste, qu’ils soient du reste ou non scientifiques, et qui se fait jour dès l’écriture des Minutes.<br />

Il en est ainsi du mot « syzygie », il est vrai à forte connotation scientifique, qui exerçait sur<br />

Valéry une « séduction particulière 1 », comme le remarque Huguette Laurenti, séduction partagée<br />

par Jarry. Si « les syzygies » sont également les « couples de la Gnose (l’esprit et la réflexion,<br />

l’abîme et le silence, la raison et la vie, le souffle et la vérité, etc.) 2 », ce terme d’astronomie est<br />

surtout le nom donné « aux points opposés dans lesquels la lune est nouvelle ou pleine, c’est-à-<br />

dire en conjonction ou en opposition avec le soleil 3 ». Jarry écrit ainsi dans Faustroll : « [i]l me<br />

confia qu’il avait peur d’être surpris, le temps de syzygie touchant à sa fin, par la marée<br />

descendante […] 4 ».<br />

Mais cela est vrai aussi du terme grec antique « obeliscolychnie » signifiant « [l]anterne ou<br />

torche supportée par une hampe ou par une pointe de fer. 5 » Cet exemple est particulièrement<br />

révélateur car ici Jarry va jusqu’à rendre la sémantique de ce mot encore plus difficilement<br />

approchable, pour un lecteur non initié, en l’utilisant non suivant la graphie du GDU qui est<br />

« [o]béliscolychne 6 » mais exactement suivant celle employée par Rabelais. « Rabelais se sert de ce<br />

mot », souligne le GDU, « pour désigner un phare en forme d’obélisque, comme on en établissait<br />

dans les ports de mer. 7 » Jarry emprunte plus précisément le terme « obeliscolychnie » au chapitre<br />

XXII du Quart livre : « Je voy du feu sus un obeliscolychnie 8 ».<br />

1 Huguette Laurenti, « Valéry et Jarry ou « Les Malédictions d’Univers » », L’Etoile-Absinthe, 25 e -<br />

28 e tournées, « Jarry et Cie », Communications du Colloque International (T.N.P. 12-13 mai<br />

1985), réunies par Henri Béhar et Brunella Eruli, Société des amis d’Alfred Jarry, 1985, p. 63.<br />

2 Th. Ribot, Essai sur l’imagination créatrice, Félix Alcan, collection Bibliothèque de Philosophie<br />

Contemporaine, 1900, p. 197.<br />

3 GDU, tome 14, p. 1350.<br />

4 OC I, p. 696.<br />

5 GDU, tome 11, p. 1189.<br />

6 Ibid.<br />

7 Ibid.<br />

8 François Rabelais, Le Quart livre, édition critique, commentée par Robert Marichal, Genève,<br />

Librairie Droz, 1947, p. 119.<br />

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