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préexistant à l’œuvre : cette dernière visée interprétative, pour augmenter le sens initial de l’œuvre,<br />

n’en serait pas moins à cette même hauteur fallacieuse quant à son mouvement.<br />

Et ces interprétations sont toujours justifiées dans leur déploiement puisqu’elles ne s’annulent<br />

pas les unes les autres mais bien au contraire s’ajoutent les unes aux autres (à la façon justement<br />

d’analyses scientifiques) : par elles, « toujours », « quelque chose de nouveau » peut advenir.<br />

Semblable au savant, le critique littéraire étudie des parcelles de l’œuvre, en la disséquant, qui<br />

lui permettent de mettre à jour des vérités appartenant toutes à cette totalité de laquelle elles sont<br />

néanmoins, pour l’analyse, arrachées.<br />

Aussi est-il passif eu égard à l’auteur puisque son interprétation n’est jamais féconde : il ne<br />

s’agit jamais d’augmenter l’œuvre d’un sens, de construire autour d’elle une lecture qui permettrait<br />

de l’envisager sous un autre angle, possiblement novateur.<br />

Il s’agit immanquablement pour le critique de se tenir dans une passivité absolue face à<br />

l’œuvre, c’est-à-dire de ne faire que mettre à jour ce qui est de l’ordre de l’inaperçu, sans qu’il soit<br />

en sa mesure, en son pouvoir, de tout mettre à jour (puisqu’il ne fait invariablement advenir que<br />

des fragments de la réalité de l’œuvre).<br />

Mettre à jour suppose du reste uniquement un travail précis de l’observation, le regard fût-il<br />

démesurément agrandi, et non un mouvement de l’intellection qui répondrait à une quête de<br />

sens : « Qu’on pèse donc les mots, polyèdres d’idées, avec des scrupules comme des diamants à la<br />

balance de ses oreilles, sans demander pourquoi telle et telle chose, car il n’y a qu’à regarder, et<br />

c’est écrit dessus. 1 »<br />

Léon-Paul Fargue se souviendra de cette assertion et la reprendra légèrement différemment<br />

dans Un désordre familier : « Je voudrais qu’on reconnaisse à la poésie le droit d’être pure sans exiger<br />

d’elle des comment, des pourquoi, des vers où, qu’on ne demande ni à la peinture ni à la musique.<br />

[…] Il n’y a qu’à regarder, c’est écrit dessus. 2 »<br />

La mention des « diamants », dans la formulation de Jarry, n’est pas anodine. Elle permet<br />

possiblement à l’auteur de Messaline d’établir un lien avec un passage de « Crise de vers » de<br />

Mallarmé où il est question de « pierreries » : « L’œuvre pure implique la disparition élocutoire du<br />

poëte, qui cède l’initiative aux mots, par le heurt de leur inégalité mobilisés ; ils s’allument de<br />

reflets réciproques comme une virtuelle traînée de feux sur des pierreries […] 3 ». C’est en<br />

observant les « reflets réciproques » que le lecteur peut recueillir l’ensemble de la sémantique.<br />

1 Id., p. 173.<br />

2 Léon-Paul Fargue, Un désordre familier, [entretiens avec Frédéric Lefèvre], Saint-Clément, Fata<br />

Morgana, 2003, p. 57.<br />

3 Mallarmé, op. cit., p. 211.<br />

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