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malfaisantes bourriques […] qui se promènent dans la chevelure de la littérature sont flétries du<br />

nom de critiques. D’autres, qui ne valent guère mieux, écrivent l’Histoire. »<br />

4. 3. Le critique comme simple parasite.<br />

En proclamant que les critiques sont de « malfaisantes bourriques […] qui se promènent<br />

dans la chevelure de la littérature 1 », Jarry, outre le fait qu’il formule possiblement une réponse à<br />

l’injonction de Vallette dans Le Mercure de France en 1893 (« Une critique de [la] critique – et il y<br />

faudrait du génie : critiquer quoi que ce soit exige déjà tant d’adresse ! […] je ne la tenterai pas 2 »),<br />

fait écho au propos de Camille Mauclair dans cette même revue en 1894 : « Ce mépris universel,<br />

cette solitude, grandissent le poète, et l’une de ses prérogatives, c’est qu’au fond du dédain même<br />

des autres il y a une peur qui est un respect inavoué […] Ragnar, c’est la haine envieuse et nulle.<br />

Vous le connaissez, Ragnar, dans la vie, autour de vous. C’est le chroniqueur salarié, l’homme<br />

prétendant juger ce qu’il ne pourrait faire, l’homme qui prospère sur l’œuvre et dans le sang des<br />

autres, comme une vermine, et dont pourtant l’éphémère existence n’empêchera jamais un beau<br />

vers d’être écrit et admiré. Ce Ragnar, dont je vous citerais dans nos journaux vingt confortables<br />

compères […] 3 ».<br />

En outre, l’auteur des Minutes donne voix au topos, déjà repris par Mauclair (écrivant que le<br />

critique est « l’homme prétendant juger ce qu’il ne pourrait faire »), comme quoi « [o]n fait de la<br />

critique quand on ne peut pas faire de l’art », ainsi que l’écrit Flaubert dans sa correspondance 4 .<br />

Le seul critique pouvant tisser un propos qui soit appréciation de l’œuvre d’autrui devient<br />

ainsi l’écrivain, puisque c’est le seul à être habilité à pouvoir formuler une quelconque<br />

appréciation, du fait de son statut d’écrivain, c’est-à-dire de « seul véritable connaisseur de la<br />

littérature », la pratiquant, et, de fait, « [l]a plupart des écrivains de la Belle Époque ont eu peu ou<br />

prou une activité critique. Toute une critique de créateurs, représentée par Gide, Suarès, Proust,<br />

Péguy… a revendiqué la spécificité du point de vue des producteurs sur l’œuvre et s’est par<br />

ailleurs refusée à dissocier le travail de l’artiste et du critique. 5 » « L’activité critique des créateurs<br />

présente donc des caractères propres en ce qu’elle entretient souvent des rapports privilégiés avec<br />

l’œuvre proprement dite. 6 »<br />

1 OC II, p. 515.<br />

2 Le Mercure de France, n° 41-44, tome VIII, mai-août 1893, p. 237.<br />

3 Le Mercure de France, n° 53-56, tome XI, mai-août 1894, p. 24.<br />

4 Propos cité par Vincent Engel, op. cit.<br />

5 LEROY BERTRAND-SABIANI, p. 297.<br />

6 P. Brunel, D. Madelénat, J.-M. Gliksohn et D. Couty, La critique littéraire, Presses universitaires<br />

de France, collection Que sais-je ?, 2001, p. 70.<br />

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